29/35 Nuances de gris [partie 1]

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25 mai 2019

    Pendant une heure au moins, il m'avait emmerdé jusqu'à ce que je me réveille. Il avait commencé gentiment en m'embrassant l'épaule. Je lui avais répondu que j'avais encore sommeil et m'étais rendormie. Il avait recommencé un quart d'heure plus tard en me chatouillant un peu. Je l'avais repoussé du pied. C'était sans compter son retour en force dix minutes après en tirant la couette. J'avais lâché un grognement en récupérant une couverture, et tenté de retrouver le sommeil. Il avait alors décidé d'employer la manière forte en venant s'étaler de tout son poids sur moi et me mordillait le cou.

–    Dan, putain ! Laisse-moi dormir.

–    Je m'ennuie...

–    Mais t'es pire qu'un gosse en fait.

–    Oui.

–    Pf, ok. À 10 heures, je me lève, ça te va ?

    Il souffla mais me laissa tranquille. Je retombai enfin dans un demi-sommeil. À certainement dix heures pile, il me mit sous le nez une tasse de café chaud en souriant comme un con. Je ne pus m'empêcher de sourire aussi. Je bus mon café sous son regard insistant. A peine finie la dernière gorgée qu'il me tomba dessus en me disant qu'il avait envie de moi. Il suffisait de l'entendre me le dire pour que j'ai envie de lui aussi.


    Le bruit du vibreur sur le parquet me sortit de ma torpeur. J'ignorai mais il reprit de plus bel. Je soupirai, lasse. J'étais pourtant si bien là, nue sous la couette moelleuse, un corps chaud et tendre qui m'enveloppait, un souffle léger qui faisait s'hérisser le duvet de mon dos à chaque expiration. Je tendis le bras à l'aveugle, tentant d'attraper l'objet du délit quand je compris que ce n'était pas le bon.

–    Dan, c'est le tiens, grognai-je en le poussant du pied.

–    Mh, fit-il sans réagir.

–    Dan, ça doit faire cinq fois qu'il sonne. Réponds, soupirai-je.

    Il souffla bruyamment, attrapa son portable et le cala contre son oreille, la tête toujours enfouie entre mon cou et l'oreiller. Il m'offrirait le luxe de partager sa conversation, j'étais ravie.

–    Allô, lâcha-t-il d'une voix caverneuse.

–    Ouh, tu n'es pas réveillé toi ! s'exclama une voix guillerette au bout du fil.

–    Qu'est-ce qui se passe ? baraguina-t-il.

–    Ah, tu m'as vraiment oubliée... Samedi ?... Midi... ? ... Concorde ?

–    Oh putain, s'exclama-t-il en se redressant aussitôt, me privant de la couette par la même occasion. Merde, merde, merde. Je suis désolé, Sophie, je suis là dans, euh, quarante minutes, grand max !

–    Pas de soucis, mon beau ! Je n'ai que ça à faire tu sais, attendre des mannequins excentriques, rit-elle. Bon, dépêche-toi quand même.

    Il coupa la conversation et balança son portable en sautant aussitôt du lit. Du coin de l'oeil, je l'observai s'agiter dans tous les sens, attraper quelques vêtements au sol, courir dans le dressing et me lancer par dessus l'épaule des explications comme quoi, il devait rejoindre sa manageuse, qu'il n'en avait pas pour longtemps, et qu'il revenait dans deux heures, le tout nu comme un ver. Je ris et dis à son ombre de passer le bonjour à Sophie de ma part.


    Sophie était son agent depuis ses 18 ans, je l'avais rencontré il y a quelques semaines dans des conditions particulières. En effet, en février dernier, Daniel avait était hospitalisé plusieurs jours en soins psychiatriques et toute sa carrière avait subi un brutal arrêt sur image pendant plusieurs semaines. Alors Sophie, qui avait depuis longtemps dépassé son simple rôle d'agent pour devenir une amie et une protectrice, avait rattrapé la situation et s'était tout naturellement rapprochée des « personnes ressources » que nous avions formées, Tomas, la mère de Daniel, Rebecca, Shana et moi.

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