[D.]1 septembre 2017
Ça fait à peine quinze minutes que je suis là et je sais que je vais pas réussir à tenir la soirée entière dans cet état-là. C'est pourtant moi qui ai proposé. J'avais été enthousiaste après samedi dernier, à te prendre en photo. Je sais pas, y'avait quelque chose qui s'était bien passé, comme si ça pouvait peut-être marcher, que tu pouvais peut-être m'apprécier en vrai.
Franchement j'aurais tout fait pour te plaire, j'ai fait l'exact contraire.
Je me pointe défoncé au concert où vous êtes déjà. C'est un bon concert ce soir, dans une salle intimiste aux lumières feutrées. Un groupe que j'aime bien, qui fait cette sorte de pop psychédélique aux rythmes enivrants avec des jolies envolés lyriques. Un truc qui donne envie de dodeliner de la tête et de danser contre quelqu'un.
Quand j'arrive, mon frère me regarde déçu. Il en a marre Tom de me voir toujours perché. Moi aussi. Il me fait quand même un sourire et me donne une accolade un peu bourrue, comme un con. T'es là, juste à sa gauche. Et alors que je pourrais te prendre dans mes bras pour te dire bonjour, l'air de rien, ça paraîtrait même naturel parce que je dis souvent bonjour aux gens comme ça et qu'on se connaît quand même un peu maintenant, je hoche juste de la tête dans ta direction en évitant tes yeux bruns. Et je me dirige vers le bar pour prendre une bière.
La première partie est finie. On se resserre en cercle pour discuter. J'observe le groupe hétéroclite que vous formez, un tiers le mien, deux-tiers le tien. Je suis étonné de vous voir vous entendre, d'un côté ces deux apprentis acteurs, de l'autre votre bande habituelle de potes. C'est Alex qui fait le lien, il est le plus sociable. Y'a François qui se gêne pas pour pencher sa tête vers la tienne et pour te parler dans l'oreille à cause de la musique d'intermède trop forte. Je pourrais clairement mener la discussion, moi le seul qui vous raccroche tous, mais je me détourne. Et je vais faire la conversation avec un groupe derrière moi. J'ai rien à leur dire. Je crois que je me ridiculise.
Quand le concert reprend, on se tourne vers la scène devant nous. Je me retrouve à côté d'Alex qui me raconte des trucs que j'écoute pas. J'te regarde. Une ou deux chansons passent. Je vais me chercher une autre bière. Quand je reviens, j'te regarde encore. Y'a un truc chez toi que je comprends pas. Tout penche à gauche : ta tête qui se balance au rythme de la musique, à gauche, ton chignon mal noué sur ton crâne, à gauche, ta main maladroite qui renverse un peu de bière quand t'applaudis, la gauche, et ton sourire en coin que tu lances à mon frère, sur la gauche.
Et puis je ferme les yeux pour écouter la musique. À défaut de toi, je danse avec mon ombre, celle qui me tient toujours mauvaise compagnie.
Le concert est fini. J'ai chaud. Je sens que mon t-shirt me colle le dos. J'ai les tympans qui bourdonnent. C'est la musique. Nan, c'est l'alcool. Vous décidez d'aller prendre l'air. Je vais au bar prendre des bières. Je me penche plusieurs fois sur le comptoir.
– Salut, tu me dis.
Merde, je croyais que t'étais sortie aussi. Mais t'es juste à côté de moi en train de me sourire. Pourquoi tu me souris ? J't'ai même pas adressé la parole de la soirée. Pourtant, tu continues en me demandant si j'ai aimé. J'te réponds que oui, qu'en même temps, c'est moi qui ai proposé ce concert. Tu te froisses pas de ma remarque et hausses les épaules.
– Tu as eu raison, alors ! Moi, j'ai beaucoup aimé ! Ça faisait longtemps que je n'étais pas allée à un concert.
– Dommage.
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Nos Folies ordinaires
Ficção Geral[Wattys2023 - Présélection] Ils s'aiment dès le début. Pas de suspense, mais un plongeon direct dans le quotidien de personnages qui s'avouent à demi-mot leurs sentiments au chapitre 20/35 de leur histoire. Puis les bonds dans le temps s'enchaînent...