17/35 Rupture

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21 avril 2018

 Je débarquai chez Julie dans l'après-midi en apportant quelques chouquettes achetées à la boulangerie le matin-même. Je lançai un salut enjoué à Ana assise sur le canapé quand je remarquai ses yeux rougis.

– Ça ne va pas, Ana ? m'inquiétai-je.

Julie nous avait rejointes en lui tendant une tasse de thé. Ana bredouilla :

– Alex vient de rompre...

– Oh. Merde.

Alors là, je ne m'y attendais pas. Ana secoua la tête et avala une gorgée de boisson chaude alors que Julie lui caressait le dos.

– Qu'est-ce qui s'est passé ? tentai-je.

– Il- il m'a juste dit qu'il ne voulait plus continuer comme ça... et que c'était fini, sanglota-t-elle.

Son portable sonna sur la table. C'était sa soeur qu'elle avait appelée en détresse hier soir et il fallait qu'elle la rassure. Elle quitta la pièce. Je tournai des yeux écarquillés vers Julie, elle haussa les épaules :

– Oh, ça faisait un moment que ça traînait.

– Vraiment ? Je croyais que c'était l'idylle parfaite leur couple, moi !

Julie eut un petit rire sarcastique et me dit :

– Le prends pas mal Sarah, mais bon, en ce moment, tu n'es pas vraiment très attentive à ce qu'il se passe autour de toi.

– Qu'est-ce que tu veux dire par là ? me braquai-je.

– Je veux dire qu'on ne te voit plus beaucoup depuis quelques semaines. Ou lorsque l'on te voit, tu as plutôt les pensées tournées vers quelqu'un d'autre, si tu vois de qui je parle...

– Je- mais non ! Je suis là voyons !

– Sarah, Daniel et toi, vous roucoulez de bonheur. C'est très mignon à voir vos petites mièvreries, hein, mais tu as la tête ailleurs... On ne t'en veut pas pour autant, tu as totalement raison d'en profiter ! ajouta-t-elle face à mon attitude froissée.

– Mh, ouais, peut-être, cédai-je.


Mon peut-être était bien plus qu'un euphémisme. Depuis trois mois, je vivais sur un nuage. Et je passais chaque minute libre avec Daniel. Il avait suffi d'une nuit pour tout déclencher et c'est à peine si par la suite nous nous étions séparés. Après quatre jours enfermés dans son appartement, j'étais repartie squatter le canapé chez Tomas afin de le laisser tranquille, le temps pour lui d'arpenter les podiums durant une semaine de la mode intense et parisienne. Mais le week-end suivant, j'étais revenue presque en courant dans ses draps sur sa demande pressante.

Mon appartement inhabitable avait eu le mérite de justifier notre séparation impossible et c'était comme naturel si j'étais restée vivre chez Daniel pendant plusieurs semaines presque sans répit.


Alors que j'avais imaginé mon retour chez moi après les travaux de réparations aux alentours de la mi-février, la date avait été repoussée de jour en jour. Tout avait trainé en longueur et les ouvriers engagés par notre propriétaire nous avaient fait tourner en rond. Un jour, ils venaient, le lendemain, ils n'arrivaient que l'après-midi. Nous n'avions fait que nous relayer avec Aurore pour les laisser entrer et vérifier ce qu'ils étaient en train de faire. Chaque passage avait amené son nouveau lot de problèmes, si ce n'était pas le bon raccordement électrique, ou la bonne taille de meuble de cuisine, ou le bon outil qui avait été laissé sur un autre chantier.

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