26/35 Insomnies [partie 1]

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15 février 2019


– Salut bel inconnu, dis-je en glissant mes mains sur son torse.

Il était allongé dans le canapé en train de lire un livre qu'il tenait ouvert au-dessus de sa tête. Il releva la main et m'attira pour m'embrasser.

– Tu es réveillé depuis longtemps ? demandai-je en m'éloignant vers la cuisine pour préparer du café.

– Mh.

– À quelle heure tu t'es couché ? Je ne t'ai pas senti dans le lit.

Il ne répondit pas. Lorsque je croisai ses yeux de loin, j'y vis trop de cernes.

– Dan, tu as dormi ? m'inquiétai-je.

– Pas vraiment, soupira-t-il au bout d'un moment.

Je me rapprochai de lui en fronçant les sourcils.

– Tu devrais aller te mettre dans le lit alors...

– Mh, t'inquiète pas... J'ai rien de prévu, je peux dormir toute la journée.

– Dan, tu vas être complètement déphasé si tu dors toute la journée. Et tu vas mal dormir ce soir aussi...

– Oui, maman, me nargua-t-il.

– Très bien, je dis plus rien, débrouille-toi ! dis-je en levant les mains.

Sarah, ne t'inquiète pas. J'ai juste fait une insomnie. Je me repose aujourd'hui et tout ira bien !...Tu vas pas être en retard toi à ce rythme-là ? Il est déjà huit heures vingt.

– C'est ça, vire-moi si ça t'arrange, soupirai-je en allant vers la salle de bain.

– Loin de moi cette idée !

– Et par contre, ce soir, tu n'y échappes pas, je te veux dans le lit et pas que pour dormir, ajoutai-je en lui lançant une oeillade par-dessus l'épaule.

– Alors il vaut mieux que je me repose aujourd'hui, rit-il.


Je passai la porte de l'appartement vers dix-neuf heures trente ce soir-là. Je revenais d'une journée intense mais agréable. Cela faisait depuis le début de l'année que je réalisais mon stage de fin d'étude à la Grande Halle de la Villette. Après plusieurs mois compliqués, englobant à la fois le rendu difficile d'un mémoire, la perte de repère de la fin des études, et un avortement, j'étais contente de la mission que j'avais trouvée depuis janvier en tant que stagiaire chargée de direction artistique. L'équipe était jeune et sympathique, l'ambiance détendue et je rencontrais régulièrement des artistes d'arts scéniques venants des quatre coins du monde qui mettaient à l'épreuve mon anglais, en cours d'amélioration grâce à Daniel.

Je sentis une douce odeur d'épices qui m'ouvrit l'appétit. Je retrouvai Daniel penché au-dessus de trois poêles et deux casseroles dans une cuisine désordonnée, l'air concentré. Quand il m'entendit arriver, il me tendit un verre de vin. Je lui souris :

– Tu veux me saouler ?

– Juste assez pour que tu te détendes, mais pas que tu oublies ce que tu m'as demandé ce matin, répondit-il en m'attirant vers lui pour m'embrasser.

J'y répondis sans réserve, je n'avais pas oublié. Je remarquai pourtant son air fatigué qu'il n'arrivait pas à me cacher. Je lui demandai s'il avait dormi. Il haussa les épaules. Je soupirai son prénom.

– Je dormirai mieux ce soir ! Si tu t'inquiètes pour tes envies à assouvir, t'as pas à t'en faire, j'ai toujours de la réserve, ajoutait-il en riant.

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