29/35 Nuances de gris [partie 2]

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25 mai 2019


En dehors de notre osmose physique, j'avais tout de même dû changer d'attitude avec lui, autant pour son bien que pour le mien. Parce que vivre avec un borderline n'était pas de tout repos, il m'avait été conseillé d'entamer un suivi également.

    Malgré ma meilleure amie psychologue, mon mec en thérapie comportementale et son frère qui m'avoua que cela faisait des années qu'il allait « voir quelqu'un », c'était avec la plus grande des appréhensions que j'avais passé la porte d'un psy conseillé par Julie. Moi, m'allonger sur un divan pour déblatérer ma vie ?


    Je fus étonnée lorsque j'entrai dans un cabinet où il n'y avait pas de canapé, d'être accueillie par des banalités sur les grèves de métro. Le psychologue, un certain Marc Riget, assis en face de moi dans un fauteuil droit, avait moins de trente cinq ans, les traits enfantins et les cheveux longs retenu par un chignon.

    Il aborda la séance en me demandant simplement – Comment ça va aujourd'hui ? De but en blanc, je lui racontai très vite l'enjeu de ma visite :

–    Je viens parce que je dois faire un suivi psychologique, parce que je suis en couple avec quelqu'un qui est borderline, et parce que je dois trouver des moyens pour l'aider, et parce je veux faciliter notre relation.

    Il haussa les sourcils et prit son temps avant de me répondre :

–    Cela ne répond pas à ma question.

–    Qu-quoi ?

–    Comment allez-vous aujourd'hui, Sarah ? Je peux vous appeler par votre prénom ?

–    Je- oui, oui, vous pouvez m'appelez Sarah. Et euh, moi ça va, c'est pas moi qui ai un problème. Je vous ai dit, c'est mon copain, il est b-

–    Borderline, oui vous me l'avez dit.

–    Hum, oui. Et c'est pas facile pour lui. Alors j'aimerai bien savoir ce que je dois faire pour lui. Pour l'aider. Pour qu'il aille mieux. Vous comprenez ? Parce que moi, je ne sais pas tr-

–    Votre ami bénéficie d'un suivi ?

–    Oui. Il a entrepris une thérapie comportementale dialectique depuis mars et pour l'instant c'est difficile pour lui et je voudrais pouvoir l'-

–    Pouvoir l'aider, j'ai bien compris également.

–    Vous allez me couper à chaque fois ?


    Il prit encore une fois son temps avant de répondre :

–    Excusez-moi, je ne voulais pas vous paraître impoli mais vous semblez vouloir éviter mes questions.

–    Comment ça ? répondis-je méfiante.

–    Comment s'appelle votre ami ?

–    Daniel.

–    Daniel, ok. Est-ce que Daniel nous rejoint pour ce rendez-vous ?

–    Quoi ? Non, non. C'est pour moi le rendez-vous. Pas pour lui. On m'a dit que je devais faire un suivi. Alors je suis là.

–    Donc c'est bien de vous dont il est question aujourd'hui, nous sommes d'accord ?

–    Je, hum, oui.

–    Alors je vais clarifier la situation, Sarah. Si vous êtes là avec moi, c'est pour vous que vous devez le faire, pas parce qu'il est conseillé aux proches de personnes souffrant de troubles borderline de faire un suivi. C'est vous-même que je veux écouter, et non votre ami à travers votre présence. Vous m'avez d'ailleurs dit qu'il suit une thérapie. Donc, j'aimerai bien revenir à ma question de départ, ou à une autre question qui ne concerne que vous, si vous préférez, comme votre plat préféré, par exemple ?

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