23 Mai 2017
Nous étions six dans l'appartement d'Alex à boire quelques bières, en l'honneur de l'anniversaire de Tomas. On sonna plusieurs fois à la porte. L'hôte de la soirée lança à Tomas, enjoué :
– Va ouvrir, ça devrait te faire plaisir !
Curieux, il se leva, mais son visage se crispa sur la personne qui apparut devant lui. Cette dernière le prit dans ses bras en lui souhaitant un bon anniversaire et je ratai une inspiration quand je vis qui venait d'entrer. C'était un jeune homme d'une vingtaine d'années dont le visage et l'allure ne m'étaient pas inconnus. Je n'arrivais pas à revenir sur son nom, mais je replaçais clairement son physique dans quelques médias ces dernières semaines. Mais pourquoi déjà ?
– Tu me préviens pas que tu fêtes ton anniversaire ? Je vais me vexer !
– Tu m'avais dit que t'étais pas en France, balbutia Tomas.
– Changement de programme ! s'exclama-t-il enjoué.
Je remarquai le même accent que Tomas dans la voix, un peu plus prononcé. De lui-même, il entra dans l'appartement, se faufila jusqu'à Alex et lui fit une accolade. Nous autres restions muets. Il se tourna habilement vers nous en ouvrant les bras.
– Alors Tom, tu me présentes pas tes potes ?
Tomas reprit ses esprits et nous désigna tour à tour de la main :
– Julie, Antoine, Ana et Sarah. Et je vous présente mon frère, Daniel.
Daniel Haddad. Son nom me revient comme un flash. Ce jeune modèle franco-anglais qui avait fait une apparition brève mais remarquée dans ce film belgo-italien sorti il y a quelques mois et présenté à Cannes il y a une semaine. Il y avait monté les marches en compagnie de l'équipe. C'était l'une des personnalités montantes du moment selon le dernier Télérama qu'achetait ma colocataire. Son portrait double-page disait même de lui : une carrière fulgurante sur les podiums depuis quelques années et une future étoile des plateaux de cinéma ! Je l'avais distraitement survolé.
Le frère de Tomas ?
Dans un élan, il se pencha vers chacun de nous en nous serrant la main. Lorsque son regard rencontra le mien, je n'osai pas répondre à son – Salut enchanté lancé sur un ton badin. Il ne remarqua pas le blanc que son entrée avait créé, ou fit semblant. Il attrapa une bière, la décapsula à l'aide d'un briquet sorti de sa veste et alla s'asseoir pour discuter avec Alex en s'allumant une cigarette. Je lançai un coup d'oeil vers Tomas qui n'avait pas l'air serein. Il se dirigea vers la cuisine, je me levai pour l'y rejoindre et l'interroger. Il soupira en portant sa bière aux lèvres :
– Ouais, tu viens de rencontrer mon frère.
– Donc, quand tu me disais qu'il travaillait dans la mode, c'était...
– Un euphémisme.
– Ça fait un an qu'on se connaît et tu ne m'as jamais dit qui était ton frère, le charriai-je.
– C'est pas toujours facile à glisser dans une conversation.
– Quoi ? On a parlé des dizaines de fois de ta famille ou de ta soeur !
– Oui, oui, mais Daniel c'est différent, souffla-t-il. J'adore mon frère, hein ! Mais il est compliqué ET célèbre maintenant. Alors j'évite de le présenter à mes amis. Enfin, il est là. C'est quand même cool !
– Pourquoi vous n'avez pas le même nom d'ailleurs ?
– Il a pris le nom de notre mère quand il a commencé sa carrière. Ça sonnait mieux ! Plus exotique ! Je ne m'en plains pas, ça évite que notre famille soit emmerdée par les journaux, surtout dernièrement...
Alors que nous discutions, on sonna de nouveau à la porte d'entrée. Daniel se leva et s'adressa à Tomas.
– J'ai proposé à Aïleen et Shana de passer, avec l'accord d'Alex bien sûr. Je me suis dit que ça te plairait. Un petit cadeau d'anniversaire !
Il lui adressa un clin d'oeil. Je sentis Tomas se tendre de nouveau.
– C'est qui ? demandai-je.
– Des potes à lui. Mannequins...
– Et ?
– Tu le gardes pour toi, s'il te plaît. Il y en a une que j'aime bien. Mais ça n'arrivera jamais. Sauf que Daniel est convaincu du contraire.
Je ris légèrement en le poussant de l'épaule, le geste était attentionné. Tomas se retourna vers moi, l'air inquiet :
– Je suis désolé si la soirée tourne mal, Sarah. J'avais pas prévu ça.
– Pourquoi tu dis ça ? On est juste en train de boire un verre.
– Oh, ce n'est que le début. Ça risque de dégénérer. Avec Daniel, il y a toujours un moment où ça dégénère, conclut-il en s'éloignant.
Et deux immenses créatures aux cheveux longs s'engouffrèrent dans l'appartement.
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Nos Folies ordinaires
General Fiction[Wattys2023 - Présélection] Ils s'aiment dès le début. Pas de suspense, mais un plongeon direct dans le quotidien de personnages qui s'avouent à demi-mot leurs sentiments au chapitre 20/35 de leur histoire. Puis les bonds dans le temps s'enchaînent...
