11/35 Ça sent le roussi [partie 1]

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10 Janvier 2017


– Non non, te retourne pas ! ... Ah, putain, ça y est, oui ! Il l'a chopé ! s'exclama Julie rieuse, en mordant à pleine bouche dans un bonbon acidulé. Pfiou, ça fait trois saisons qu'on l'attendait cette galoche !

Nous étions toutes les deux affalées dans mon canapé, regardant une série américaine stupide en mangeant des Haribos, un jeudi soir au début de janvier. La bouche pleine, Julie se tourna vers moi :

– D'ailleurs, en parlant d'histoires de love, comment ça se passe avec ton p'tit english boy ?

J'haussai les épaules et avalai une autre sucrerie.

– Allez-la ! Donne-moi du croustillant ! D'habitude, j'ai le droit à tous les détails les plus boring de tes mecs et là, tu me dis rien ! Alors que ça doit être muy muy caliente, ajouta-t-elle en roulant des épaules.

– Julie, t'es chiante.

– S'il te plaît ! Avec Léopold, tu m'as tout raconté jusqu'aux couleurs de ses chaussettes... Je veux connaître LA couleur des chaussettes de Daniel, je suis sûre qu'elles sont très belles en plus !


Mais quand elle vit mon visage décomposé, elle s'arrêta et se pencha vers moi. Alors enfin je lui racontai tout depuis le début, du premier baiser échangé jusqu'au dernier appel hier qui m'avait laissé triste et déçue. Je lui parlais des rendez-vous manqués, des moments ratés, des frustrations constantes. De toutes ces autres fois où c'était génial, exceptionnel, grisant. Et comment cela faisait mal de me séparer de lui. Puis je détaillai la dernière journée où nous nous étions vus, ce samedi après-midi avant Noël, où nous avions parlé, bu, ri et nous nous étions beaucoup embrassés, jusqu'à imaginer coucher ensemble avant que je ne m'éloigne de lui et qu'il parte après que nous nous soyons dit des choses méchantes. 

Malgré sa proposition, nous ne nous étions pas croisés le jeudi suivant. Il m'avait téléphoné en fin d'après-midi pour me dire qu'il ne pourrait pas se libérer, que sa séance photo allait durer longtemps. Et j'avais entendu en fond une musique lancinante faite de boom-boom-boom comme une fin de soirée un samedi.

Il m'avait proposé de reporter au dimanche. Mais je rejoignais ma famille en Gironde pour les fêtes. Quatre heures de train, trois changements de correspondance, à 148€ l'aller, je ne pouvais pas décaler. Nous avions raccroché en se disant que nous nous verrions en janvier quand il reviendrait. Trois textos échangés à peine durant les vacances.

Et puis nous nous étions appelés hier soir. Il rentrait aujourd'hui par un avion qui atterrissait à vingt-trois heures trente et il repartait demain matin avec un autre vol pour deux semaines de défilés. Déjà presque un mois que nous ne nous étions pas vus et cela allait encore durer deux semaines, plus peut-être... À quoi cela rimait-il finalement ?


Je conclus mon récit, que Julie ne coupa pas, la gorge serrée. Elle passa son bras autour de mes épaules. Puis elle me dit :

– Tu veux mon avis, ma biche ?

Je haussai les épaules :

– Vas-y, madame « moi je suis en psycho tu sais ».

– Oh, ça va, dit-elle en me tirant la langue. Je pense que tous les deux, vous n'arrivez pas à vous dire que vous vous kiffez beaucoup trop...

– Qu'est-ce que tu racontes ?!

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