26/35 Insomnies [partie 3]

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Bcp de dialogues en anglais dans ce chapitre. J'ai mis les traductions en simultané. J'espère que ce sera lisible. 

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15 février 2019


 C'était avec la plus grande des appréhensions que j'étais rentrée ce soir-là, me doutant déjà de l'ampleur des dégâts quand en sortant de l'ascenseur, j'avais perçu nettement le son de la musique qui traversait les murs.

Dès l'entrée, le sol était jonché de toute sorte de choses incohérentes, serviettes, casseroles, livres, vêtements, assiette,... Il faisait froid. L'odeur de cigarette y était écoeurante. Je pris une profonde inspiration en m'engageant dans le salon.

Il était en sueur, malgré le froid dans la pièce. Des gouttes perlaient sur son front et ses cheveux collaient à sa nuque. Son t-shirt adhérait à sa peau.

Je fermais la porte vitrée du balcon et baissai le volume de la musique. Je m'assis à côté de lui dans le canapé aux coussins défaits. Il ne sembla pas me voir. Je remarquai sa peau abrasée à sang sur la partie supérieure de sa main gauche, alors qu'il portait sa cigarette à ses lèvres gercées.

Lorsque je vis les trois cartons de pizza vides, les boîtes de burgers, les emballages de gâteaux et les nombreuses canettes de soda qui traînaient à côté de la cheminée, je compris qu'il avait dû se faire vomir plusieurs fois dans la journée. Sa main tremblait. Son corps tout entier aussi.

Je ne sais comment pas comment mais je réussis à l'emmener prendre une douche avec moi. J'avais espoir de le tranquilliser. Pourtant, je compris que cela serait vain quand, alors qu'il s'était déjà mis sous l'eau, je le rejoignis et que le jet glacé qui dégoulinait ne semblait même pas l'avoir fait réagir. Il avait perdu toutes sensibilités.

Je lui massai les épaules et lui frottai délicatement le dos. Il restait planté dans la douche sans bouger, la tête baissée, sans dire un mot. Je pris le temps de le laver en lui parlant doucement.

Ne sachant pas quoi dire, je lui racontai ma journée : quel était l'état d'avancement du projet d'exposition du mois de mai, quels mails j'avais envoyés, à qui j'avais téléphoné, comment était habillé mon collègue Max aujourd'hui, combien de café j'avais bu, chaque petit détail insignifiant, sur le même ton monocorde.

Au sortir de la douche, je l'aidai à s'habiller d'un sweat-shirt et d'un pantalon de jogging et je l'accompagnai jusqu'au canapé pour m'y allonger avec lui. Je le serrai dans mes bras. Il restait tétanisé.


Quand soudainement, alors que je le gardai contre moi depuis deux heures sûrement, trois peut-être, il se leva et entama les cent pas dans son appartement les sourcils froncés. Il se mit à allumer toutes les lumières de chaque pièce qu'il traversait, à monter le volume de la musique et à bouger tous les meubles.


Une heure du matin passée, j'appelai Tomas, démunie et terrifiée.

– Sarah, il faut que tu appelles le Samu.

– Quoi ? Non, non, il va se calmer, il faut juste que je sache quoi faire...

– Sarah, non là, il ne va pas se calmer tout seul. Tu me dis que ça fait trois jours qu'il dort plus. Ça va faire qu'empirer, Sarah. Il est en pleine crise. Il faut qu'il soit hospitalisé.

– Je- je peux pas Tomas. Je peux pas lui faire ça.

– Sarah, c'est pour sa sécurité. Avant que ça n'aille trop loin.

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