30/35 Onions rings et french fries [partie 1]

58 7 12
                                    


22 juillet 2019

 L'avion s'engouffrait dans une épaisse brume grise et blanche pour amorcer sa descente. La tête contre le hublot, j'attendais de voir apparaître cette ville dans laquelle je n'avais jamais mis les pieds, mais lorsque le nuage s'évapora enfin, ce fut les dessus d'une zone industrielle à quelque cent mètres sous les ailes que j'aperçus.

Le train d'atterrissage vrombissait. Le tarmac humide se rapprochait rapidement et, comme à chaque atterrissage, j'attendais avec appréhension cette secousse, synonyme d'un retour sur terre. Dans l'habitacle résonna une petite sonnerie suivie de la voix étouffée du capitaine qui déblatéra un charabia incompréhensible. Je récupérai mon bagage, enfilai mon sac à dos et traversai l'allée les oreilles bouchées pour sortir sur la piste, sous une bruine froide et désagréable.

Bienvenue en Angleterre.


Je déambulai dans l'aéroport, toujours entre deux temps dans ces lieux si similaires. J'essayai moi aussi d'atterrir. Lorsque je passai les dernières portes automatiques pour entrer dans le hall public, mes yeux fendirent la foule à la recherche d'un visage familier. Ce fut celui de Tomas qui me trouva en premier. Etonnée, je m'approchai.

– Salut, la touriste ! s'exclama-t-il en me serrant dans ses bras. Allez, donne-moi ton sac, t'as l'air de galérer sévère.

Je grimaçai pour répondre, mais me délestai d'une partie de mes bagages. Il me demanda comment s'était passé le vol en sortant de l'aéroport pour se diriger vers le parking souterrain, niveau -2, allée L (jaune), place 204. Lorsqu'il déverrouilla la voiture, j'installai mes bagages dans le coffre et me dirigeai vers la portière droite. Il se moqua de moi gentiment – De l'autre côté, miss. Sauf si tu veux conduire ! Avant de démarrer, Tomas répondit enfin à mon regard interloqué :

– Dan a fait une crise d'angoisse cet aprèm.

– Il va bien ?

– On va dire que oui, dit-il avec un haussement d'épaule las. Tu dois t'en douter Sarah, mais c'est franchement pas la joie en ce moment. Tout le monde est tendu. On n'arrête pas de s'engueuler mon père, Daniel et moi...

– Et Rebecca ?

– Elle temporise comme elle peut. C'est égoïste mais je suis content que tu sois là. J'espère que ça va faire oublier le bordel ambiant.

– Si ça peut aider.

– Ça va vraiment pas être des vacances pour toi, tu sais...

– T'inquiète pas, la semaine prochaine, je pars avec Julie à la mer !

– Qu'est-ce que je donnerai pas pour y aller avec vous !


La voiture prit la route à gauche sous un crachin qui mouillait le paysage verdoyant. Nous étions en plein mois de juillet, mais il faut croire que le temps restait maussade à Manchester, même en été. Je ne savais pas à quoi m'attendre en venant ici. Cela s'était décidé trop précipitamment.

Le traitement du cancer du père de Daniel et Tomas, diagnostiqué en février, avait démarré. Depuis, il suivait une chimiothérapie agressive afin de réduire la tumeur pour subir une opération d'ablation. Il la supportait très mal, moralement et physiquement. Du jour au lendemain, Daniel avait plié bagage pour le rejoindre. Il avait déprogrammé ses contrats sous les foudres de ses agents et était arrivé il y a trois semaines maintenant.

Et alors que nous voulions profiter des vacances estivales pour nous balader sur les côtes croates, je me retrouvais en Angleterre pour six jours et partais ensuite rejoindre Julie et d'autres amis au Pays Basque, bien moins glamour, sans Daniel qui restait à Manchester jusqu'à la fin du traitement de son père en août.

Nos Folies ordinairesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant