19/35 Apparences [partie 3]

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26 avril 2018


    Cela dura moins d'une minute avant qu'il ne revienne à lui. Mes tempes se mirent à battre violemment alors que je balbutiais lui disant que tout allait bien et que les secours arrivaient.

    Sa respiration était sifflante quand les ambulanciers débarquèrent les sirènes hurlantes. Des mains inconnues me tirèrent vers l'arrière et un groupe vêtu d'uniformes sombres aux liserés jaunes se pencha sur lui pour l'examiner.

    Je me réfugiai dans les bras de Tomas qui tentait de me rassurer d'une voix tremblante. D'autres sirènes retentirent et une voiture de police se gara en montant sur le trottoir. Trois flics sortirent et se dirigèrent vers nous, mais nous étions incapables de parler. Ils se tournèrent vers le couple, toujours là à attendre, inquiets. Ils leur firent le récit de ce qu'ils avaient surpris : – On venait de la rue du dessus, quand j'ai regardé à droite pour céder la priorité et j'ai vu des gars là, en train de tabasser quelqu'un à terre...

    Après de longues minutes, mon corps continuait de trembler de la tête au pied. Les policiers s'approchèrent. Ils nous interrogèrent sur les faits. Par alternance Tomas et moi reconstituâmes le récit des sanglots dans la gorge.

–    Donc c'est parce qu'il est homosexuel que votre ami s'est fait agresser, c'est ça ? demanda l'un d'eux, bourru.

–    On s'en fout qu'il soit homosexuel ou pas, nan ? renchérit Tomas.

–    C'est pour qualifier l'agression, répondit l'autre calmement.

–    Ouais..., si vous voulez, il s'est fait tabasser parce qu'il est homo alors, grogna Tomas n'ayant pas envie d'entrer dans un débat d'attirance stérile.

–    En même temps se balader dans cette tenue par ici, dit le premier.

    Nous le dévisageâmes. Quand j'allais renchérir Tomas me serra l'épaule en me disant de laisser tomber. Ignorant son collègue, l'autre policier nous dit qu'il faudrait que Daniel aille enregistrer la plainte au commissariat après la constatation des blessures par un médecin. Aujourd'hui serait le mieux. Et puis, ils s'éloignèrent.

    Les ambulanciers nous rassurèrent. Les blessures semblaient superficielles, mais ils allaient l'emmener aux urgences pour poursuivre les examens. Quelqu'un pouvait accompagner. Tomas et moi hésitions. L'ambulancier précisa une personne apte à connaître les antécédents médicaux. Tomas accepta et ce fut le couple qui m'attrapa par l'épaule et me dit qu'ils allaient m'y déposer. Hagarde, je montai dans leur voiture, Daniel déjà à l'arrière du camion.

    Je n'avais même pas eu le temps de lui dire un mot.

    Lorsque j'arrivai à l'hôpital, je ne savais pas à qui m'adresser. Je fis la queue dans un hall miteux des urgences, après être passée sous un portail de contrôle de métaux derrière quatre personnes qui avaient l'air aussi perdues que moi.

    Je répétai deux fois ma demande à la jeune femme assise derrière une vitre de Plexiglas. Elle m'intima de lui parler plus fort avant de me dire qu'elle ne pouvait rien faire pour moi, qu'elle n'avait pas l'information d'un Daniel « Hadin » entré aux urgences. Je n'avais qu'à attendre sur les chaises en face dans le hall, mais surtout je ne devais pas déranger le bureau maintenant, il y avait beaucoup de monde en attente de soins ici,  – personne suivante s'il vous plaît. Je m'exécutai en silence.

    Je téléphonai plusieurs fois à Tomas sans succès. Je contemplai mes mains que j'avais essuyées sur mon pantalon, imbibées des traces de sang séché.

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