Ch 4 : Soupes révélatrices

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Lorsqu'il suivit les hôtesses jusqu'à la salle des hommes, Yuan Lie sentit toujours les regards et les murmures s'élever dans son dos. Il venait clairement de lancer un sujet de conversation. Son coeur se mit à battre très vite, mais il ne voulait pas fuir ; pas tant qu'il n'était pas certain d'avoir été démasqué.

« Bande de canards sans tête ! » grommela encore l'aubergiste en frappant l'air de coups de torchon devant ses serveuses passant près de lui, têtes baissées. L'aubergiste affichait un air dépité et fronçait les sourcils. Il prit un plateau et s'avança vers Yuan Lie pour lui servir du thé et un bol de graines de tournesol.

« Bienvenue, bienvenue. Que désire notre distingué invité ? Nous recommandons la soupe de wonton, la meilleure de toute la province et servi avec notre vin de bambou. Jeune maître, vous ne voudrez plus jamais quitter cette auberge ! » lui dit l'aubergiste en balançant ses phrases apprises par cœur d'une voix mélodieuse.

En entendant 'vin de bambou' le coeur de Yuan Lie eut un pincement.

« Du vin de bambou ? Ah ! cela fait si longtemps que je n'ai pas eu l'occasion d'en boire ! Donne-moi deux bols de ta soupe aubergiste et deux cruches de ton vin. Je voudrais louer une chambre. Pourrais-tu me livrer la même chose plus tard ? »

L'homme bourru fit un signe de la tête et s'écarta sans un mot. Pendant que le jeune homme croquait quelques graines, il remarqua que la première hôtesse qui s'était enfuie ne pouvait s'empêcher de lui lancer des regards furtifs, bien qu'elle évitait de s'approcher de lui. Elle n'était pas la seule à le regarder de la sorte, il avait le même effet sur les autres clients présents. Yuan Lie sentait leurs regards brûlants sur lui, mais il s'efforça de garder les yeux rivés sur ses graines de tournesol.

Une des serveuses apporta sa soupe. Yuan Lie pensa en profiter pour poser quelques questions sur les lieux, mais à l'instant où il releva la tête, la même serveuse qui s'était enfuie, renversa le bol de soupe dans un grand fracas en l'éclaboussant. L'aubergiste se précipita vers elle, voulut lui aboyer dessus et la gifler, pourtant, il se retint devant le nouveau client, si tant que son visage devint écarlate. Son intuition lui commanda de se tenir devant ce jeune maître, alors il s'excusa en courbettes auprès de Yuan Lie pour le dérangement.

« Veuillez pardonner cet incident, jeune maître, cette serveuse est nouvelle. Je vais immédiatement prendre des mesures pour que cela ne se reproduise plus. Je vous offre également une autre soupe pour compenser le désagrément, dit l'aubergiste en présentant un bol de liquide chatoyant, où flottait de belles raviolis brillantes, du bok choy, du gingembre râpée, de l'ail et des oignons verts ciselés, tout en jetant un regard noir à la domestique qui ramassait les morceaux de porcelaine brisés à la hâte.
— Je ne suis pas contrarié, c'est ma faute, laissez-moi régler la note ! » dit Yuan Lie en s'adressant à l'aubergiste avec un sourire et en lui glissant une pièce dans la main.

Celui-ci resta pantois puis grogna quelques mots de remerciements. Un instant plus tard, une autre serveuse amena un nouveau bol de soupe tandis que la première revint avec une jarre d'eau et une jarre de vin, une joue plus rouge que l'autre. En la regardant de plus près, Yuan Lie n'en dit rien. Il remarqua qu'elle devait avoir à peine treize ou quatorze ans et qu'elle était plutôt mignonne avec des yeux en amande qui semblaient briller comme des étoiles dans le ciel nocturne.

Yuan Lie a englouti sa soupe avec la même ferveur qu'un lion affamé en train de dévorer sa proie, ne laissant rien d'autre que le bol vide et les sons de sa respiration haletante. Il se sentit rassasié et plein d'énergie. Il fit signe à la jeune serveuse de lui apporter plus de thé et invita l'aubergiste autour d'un verre. L'homme à la tête renfrogné apparut de nouveau en forçant un sourire pincé. Yuan Lie le félicita en lui tendant un verre de vin.

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