Ch 9: Mille contre Un

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Yuan Lie avait sursauté si violemment lorsque Qian Jingliu lui avait expliqué qu'ils voyageraient par les airs, que sa tête avait manqué de toucher le plafond de l'auberge. Toutefois, après y avoir réfléchi, l'idée lui sembla excellente, étrange certes, mais de loin la plus simple. De cette manière, le jeune homme serait ses yeux et pourrait le guider tandis que lui se chargerait de faire voler l'épée. Suivant les indications du cultivateur aveugle, le jeune homme ne perdit pas un instant et sauta à l'avant de Pétrichor. Dos à Qian Jingliu, ils montèrent ensemble dans les airs.

Pétrichor s'éleva avec grâce et ne sembla pas souffrir du poids des deux hommes. La montée fut si agréable que la caresse du vent printanier sembla trop douce sur les joues brûlantes de Yuan Lie. Son coeur s'était mis à s'emballer comme un lièvre en fuite lorsqu'il sentit les bras du cultivateur s'enrouler autour de sa taille pour le tenir fermement.

« Je ne voudrais pas que mon partenaire de voyage fasse une chute malencontreuse.
« ... »

Yuan Lie jeta un coup d'œil par-dessus son épaule. Sous les rayons du soleil, son visage aussi impénétrable qu'un mur semblait s'adoucir. Une sérénité émanait désormais de ce visage ravagé.

« N'êtes-vous pas effrayé ? demanda gentiment la voix de velours derrière son oreille, le faisant sursauter et se redresser.
— Non ! Non, je vous trouve magnifique ! La vue ! Le paysage est splendide ! ...Laissez-moi vous décrire ce que je vois ! Le ciel est clair, d'un bleu d'azur et les nuages sont blancs comme de l'écume. Nous survolons un village, où des enfants jouent dans la rue. Quatre, non... cinq grand-mères les surveillent. Ils ressemblent à des fourmis ! Nous nous éloignons, la rue devient sentier et mène vers les bois. Je vois les arbres devant nous. Leurs feuilles arborent des teintes douces et vibrantes, le printemps déploie ses fleurs prêtes à s'éclore. À gauche ! À côté de nous, des can..? Des grues volent là-bas ! »

Yuan Lie se tortillait devant Qian Jingliu, qui resserra encore plus ses bras autour de lui, comme s'il ne voulait vraiment pas le laisser tomber.

« Aimez-vous ce que vous voyez ? demanda le Tigre.
— Oh oui ! J'ai souvent rêvé de pouvoir voler de la sorte ! Grâce à vous, ce rêve se réalise ! » répondit le passager en tournant la tête, rayonnant de joie.

C'était un sentiment de vérité qu'il ressentait de tout son être. Son visage affichait un large sourire heureux.

Depuis son apparition, son épée Hundun ne lui répondait pas. Le jeune homme avait oublié qu'il l'avait brisé lorsqu'il s'était battu avec le géant de glace de Qian Jingliu. Il n'avait pas volé une seule fois depuis son retour et le temps lui paraissait une éternité depuis la dernière fois qu'il avait volé sur son épée. Il ne se souvenait même plus de l'effet que cela faisait. Le Tigre était vraiment en train de réaliser l'un de ses rêves, car des rêves, Yuan Lie n'avait que ça dans le Néant, et ce n'était guère des rêves de conquêtes ou de pouvoirs, loin de là.

« En avez-vous d'autres ?...Des rêves ? » demanda le Tigre derrière lui.

Approchant son oreille près de la bouche de Yuan Lie pour saisir ses mots à la place du souffle du vent, Qian Jingliu se pencha encore plus sur son compagnon. Il glissa son menton sur l'épaule de son guide tout en resserrant son étreinte, son visage légèrement tourné vers lui. Malgré le vent qui balayait leurs cheveux et leurs vêtements, Yuan Lie aurait juré que l'aveugle était en train de renifler son cou ou ses cheveux.

« D'autres rêves... ? » bégaya le passager. Il ne savait pas si c'étaient les mots du Tigre aveugle, son toucher ou l'adrénaline de voler à plusieurs centaines de mètres entre les bras d'un aveugle, mais Yuan Lie sentit son coeur cogner comme un tambour devenu fou.

Rien Que l'ÉternitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant