Prologue

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—  Parrain ?
 
—  Oui ?
 
—  Je...
 
Bon sang, je n'avais jamais été aussi nerveux, stressé et apeuré de toute ma vie. Si on ne compte pas le jour où j'avais réellement pris conscience de qui j'étais.
 
—  Je... J'ai quelque chose à te dire.
 
—  Je t'écoute, petit.
 
Je regarde autour de moi, cet environnement familier. Ce n'est qu'un garage, mais j'y ai pourtant la plupart de mes meilleurs souvenirs. Cet endroit est celui où je me sens en sécurité. J'ai passé tellement de temps ici à écouter les vieux disques, à apprendre les noms des groupes et surtout à passer du temps loin de chez moi. Une bulle. Voilà exactement comment je me sens ici. Dans une bulle en dehors du temps et de la réalité.
 
—  Mon garçon ? Je t'écoute.
 
—  D'abord, je veux que tu saches que je t'aime et que j'ai essayé de ne pas être comme ça.
 
Mon oncle me dévisage, perplexe.
 
—  Moi aussi, je t'aime. Comment ne pas être comme ça ? Qu'est-ce qui se passe, Carlos ?
 
—  Je... bon sang !
 
Je me lève du fauteuil dans lequel j'étais installé et me frotte le visage de mes mains. Je n'y arriverais pas ! Il va me rejeter ! C'est obligatoire ! Vu ce que j'entends à la maison et étant le frère de ma mère, il ne peut qu'être d'accord avec elle. Je sens les larmes arriver et serre les paupières pour les chasser. Il ne faut pas que je pleure !
 
—  Carlos, tu peux tout me dire. Tu le sais, n'est-ce pas ? Je ne te jugerais pas.
 
C'est vrai que j'ai toujours pu lui dire ce qui n'allait pas. Mais là, je doute qu'il soit aussi compréhensif que d'habitude. Blanca dit que si, mais... J'ai tellement peur de lire du dégoût dans son regard... Il s'avance et me prend dans ses bras. C'est encore pire pour moi !
 
— Dis-moi ce qui te mine à ce point ?
 
—  Je n'y arrive pas !
 
Ça y est. Ces traîtresses de larmes sont là ! Bon sang, je suis vraiment un putain de cliché ! Mon oncle me frotte le dos puis s'écarte, tentant de croiser mon regard. Je ferme les yeux forts, la tête baissée.
 
—  Carlos, mon garçon, regarde-moi.
 
Sa voix est douce, mais je ne peux toujours pas ouvrir les yeux.
 
—  Carlos ! Regarde-moi !
 
Cette fois, sa voix est beaucoup plus rude. C'est un ordre et malgré moi, j'y obéis.
 
—  Qu'importe ce que tu as à me dire, je serais toujours là pour toi, d'accord ?
 
Et là, je sais que c'est complètement stupide, mais je sais qu'il a raison. Je sais qu'il ne me rejettera pas.
Voyant sans doute mon regard changer, sa voix se fait douce à nouveau.
 
—  Maintenant, dis-moi ce qui ne va pas.
 
J'inspire profondément pour me donner du courage.
 
—  Je crois que je suis...
 
—  Que tu es ? Vas-y, fiston, parle-moi. Je vois bien que c'est difficile pour toi, mais une fois que tu l'auras dit, tu te sentiras mieux.
 
Je ricane amèrement. Oh non, je ne me sentirais pas mieux.
 
— Carlos.
 
—  Je suis gay...
 
Oh, mon Dieu ! Je l'ai dit ! C'est sorti tout seul. Je ferme les yeux et baisse la tête reculant et m'entourant de mes bras, me préparant au rejet et aux paroles dures.
 
—  Et ?
 
Quoi ? Est-ce que j'ai mal entendu ? C'est tout ce que ça lui inspire ? J'ouvre brusquement les yeux et dévisage mon oncle. Aucun signe de rejet. Juste un regard tendre et un léger sourire sur ses lèvres.
 
—  Je... Tu... ne...
 
Mon oncle rit. Pas un petit rire, mais un bon gros fou rire. Je ne sais pas comment réagir. Je suis sous le choc, sans doute. Je ne peux que le regarder sans rien dire, complètement ahuri.
Quand il se calme enfin après quelques minutes, il lève vers moi un regard que je n'identifie pas vraiment.
 
—  Oh, Carlos ! Que tu sois gay ne change rien pour moi. Comment as-tu pu croire que cela changerait quelque chose ?
 
—  Mais... les parents...
 
—  Je sais ce qu'en pensent tes parents ! Et j'ai beau aimer ma sœur, ça ne change pas le fait que sur ce sujet, tes parents sont des imbéciles !
 
Il s'avance à nouveau vers moi et me prend dans ses bras. Je suis tellement soulagé que je ne me rends pas compte que je pleure à nouveau.
 
—  Chut, mon garçon... chut. Ça va aller.
 
Oui, ça ira. Deux personnes merveilleuses connaissent, maintenant, mon secret.
Après quelques minutes, je me calme et mon oncle s'éloigne pour mettre un nouveau disque.
 
—  Comment vas-tu gérer avec le foot ?
 
C'est une bonne question. J'y ai beaucoup réfléchi. Le monde du sport n'est pas très ouvert à ce niveau, donc je sais que rester dans le placard est la meilleure chose à faire.

—  Je vais faire comme je l'ai fait jusqu'à maintenant.
 
Mon oncle me dévisage à nouveau.
 
—  Tu es sûr de toi ? Tu vas devoir te cacher en permanence. Cela va être dur, tu ne crois pas ? Ne jamais pouvoir être avec la personne que tu aimes.
 
Bien sûr que ça va être dur. Mais déjà que j'ai eu du mal à le dire à seulement deux personnes ! Comment pourrais-je le dire à la terre entière ? Ma vie, c'est le foot. J'aime ça et je suis en passe de passer pro. Si je sors du placard maintenant, je peux dire adieu à mes chances. Donc si je dois rester dans le placard pour y arriver, je le ferais.
 
—  J'en suis sûr.
 
Et à ce moment-là, je l'étais. Mais la vie a des façons bien à elle de vous faire changer d'avis.

The Hidden Face [Carlando]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant