Chapitre 24

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~Lando~
 
 
J'ouvre la porte et entre chez moi, je marque un temps d'arrêt en voyant Carlos dans mon salon qui fait les cent pas. Je tente de détourner mon regard et referme la porte en la claquant. Je suis à deux doigts de tout envoyer se faire foutre. Que les autres s'en prennent à moi à coup d'insultes homophobes, je peux l'encaisser, mais que lui se défende à ce point sur ce qu'il est, ça m'enrage.

Je jette mon sac au sol et regarde Carlos s'approcher de moi, je remarque qu'il s'est changé et que ses cheveux sont encore humides, il a dû prendre une douche en m'attendant. Je lui souris vaguement et me dirige vers la cuisine sans un mot.
 
—  Comment ça s'est passé ? me demande Carlos.
 
Je sors un verre du placard et pars à la recherche de la bouteille de whisky écossais que Gina m'a ramené quand elle est venue, mais je ne me souviens plus où je l'ai mise. J'ouvre plusieurs placards et j'entends mon amant soupirer derrière le bar.
 
—  À ton avis ? dis-je sans même le regarder.
 
Ces connards m'ont insulté, à commencer par Esteban que j'ai fait taire rapidement et les autres n'ont rien dit. Je ne vais pas me laisser insulter par lui sans rien dire, il y a des limites à ma patience. Les autres n'ont rien dit et se sont contentés de me regarder avec dégoût, même Fernando et Sebastian avec qui je m'entendais bien. Je suis parti et ils sont retournés à la douche. Je suppose qu'ils vont aller se plaindre au coach et que je serais encore transféré. Je n'ai pas envie de partir, je suis bien ici, enfin, j'étais bien et s'ils ne sont pas trop cons ils comprendront que ça ne change rien et puis il y a Carlos.

Je déniche enfin cette foutue bouteille l'ouvre et me verse un verre que j'avale rapidement. L'alcool n'a jamais été mon truc et Carlos me regarde, étonné, mais toujours énervé.
 
—  Tu voulais qu'on parle ? Je t'écoute, Carlos.

Je crois que les nerfs me permettent de ne pas craquer devant lui alors que je sais très bien où tout ça va nous mener, mais j'essaye de me convaincre que je le ferais changer d'avis.
 
—  Qu'est-ce qui s'est passé à Milan ?
 
—  Tu le sais déjà.
 
—  Lando, dit-il en passant une main dans ses cheveux. Comment ils ont su ?
 
J'inspire et me resserre un verre, ma main tremble et la moitié du liquide finit sur le plan de travail.
 
—  J'ai couché avec le fils de mon coach à une soirée officielle avec toute l'équipe et les politiques de Rome. Je ne savais pas que c'était son fils, même si c'était complètement stupide de faire ça à cette soirée. On était dans une chambre à l'écart et le coach est entré alors qu'on...
 
—  C'est bon ! Je vois très bien ce que tu faisais !
 
Il crie à présent et je le regarde un peu stupéfait, toute cette histoire le rend nerveux comme jamais.
 
—  Bref, il nous a vus et ensuite, il m'a pourri la vie pendant les entraînements. J'ai encaissé jusqu'à ce que je n'en puisse plus, on s'est engueulés et j'ai fini par être transféré ici. L'équipe n'était pas censée être au courant, même le coach ne voulait pas que j'en parle alors je ne sais pas comment ils ont su, sûrement un membre du staff qui a parlé après nous avoir écouté et la suite, tu la connais.
 
J'avale une autre gorgée du liquide ambré qui commence doucement à me brûler la gorge alors que le verre précédent ne m'a rien fait.
 
—  Pourquoi tu ne m'as rien dit ? Si j'avais su, on n'aurait pu éviter toute cette merde !
 
Je fais le tour du bar pour le rejoindre, je n'aime pas qu'il m'en veuille comme ça, je sens une telle rage en lui et de savoir que c'est de ma faute me rend malade.
 
—  Je ne pouvais pas, Carlos. J'ai essayé plusieurs fois, mais je savais qu'à la minute où tu saurais, nous deux ce serait fini.
 
—  Putain, mais t'as vu la merde dans laquelle on est à cause de ça ! T'avais pas le droit de me cacher ça !
 
—  Tu t'es écouté tout à l'heure ? Tu as vu comme tu t'es défendu d'être ce que tu es ? Bordel, même moi, j'ai cru que t'étais hétéro à ce moment-là ! Si je te l'avais dit, Carlos, tu aurais eu peur qu'on découvre tout sur toi et ça aurait été fini.
 
Il passe ses deux mains sur son crâne, j'ai l'impression qu'il se retient de m'en mettre une. Il tient tellement à cacher ce qu'il est, c'est une seconde nature chez lui.
 
—  Je suis dans la merde à cause de toi et de tes mensonges. Tu sais que je ne peux pas risquer qu'on pense que je suis homo. Tu le sais et t'as continué à me mentir.
 
—  Carlos...
 
—  Comment t'as pu me faire ça ?
 
Ses yeux plongent dans les miens, la déception que j'y lis me fait mal, comme si on brûlait mon cœur au chalumeau, ce n'est vraiment pas ce que je voulais. Je ne voulais pas qu'on sache, je souhaitais plus que tout préserver ce qu'on a lui et moi et jamais, je n'aurais cru qu'on en arrive là. Mais ça ne sert à rien de revenir sur les décisions que j'aurais dû prendre avant. Le plus important, c'est maintenant et si on est tous les deux, on peut gérer.

Mais ses magnifiques yeux toujours si expressifs ne me cachent rien et je sens que ses paroles vont m'anéantir.
 
—  C'est fini, Lando. Je ne peux pas prendre ce risque, c'est trop important pour moi.
 
—  Quoi ? Non ! Non, Carlos, attends...
 
—  Non ! hurle-t-il en se dirigeant vers le salon. Je ne peux pas !
 
Je reste tétanisé à le regarder s'éloigner de moi, avec un « non » qui hurle en moi, c'est juste impossible pour moi d'envisager qu'il me quitte. Mon cœur bat comme jamais dans ma poitrine, j'ai peur. Il ne peut pas faire ça ! Ça ne servira à rien, ce n'est pas ce qu'il nous faut, j'ai besoin de lui maintenant plus que jamais.

Je me reprends et me dirige vers lui, prêt à tout pour qu'il revienne sur sa décision, je saisis son bras pour qu'il se retourne, mais il se dégage de ma prise. Je l'attrape et plaque son corps contre le mur puis l'emprisonne du mien. Je n'imagine pas ne plus l'avoir dans mes bras, ne plus lui faire l'amour, ne plus rire avec lui.

Je lève les yeux sur les siens, même s'ils ont l'air triste, il a cette détermination que je lui connais trop bien les jours de match, comme un Carlos invincible que rien n'atteint, peut-être même pas moi.
 
—  Tu ne peux pas faire ça, faire comme si je n'étais rien pour toi et que ta putain d'image compte plus. Carlos, ne fais pas ça.
 
—  Je n'ai pas le choix, Lando. Tu sais ce que c'est pour moi, tu sais que c'est la seule chose à laquelle je ne peux pas renoncer, même si...
 
Sa bouche est à quelques centimètres de la mienne, je sens son odeur mélangée à mon gel douche, je ne peux pas le laisser faire ça, je ne peux pas le laisser croire que sa vie se résume au foot et à la vision qu'on les autres de lui. Je ne peux pas parce que j'en crèverai qu'il me laisse.
 
—  Carlos...
 
Ma bouche s'approche de la sienne, mes lèvres le frôlent alors que mon cœur ne cesse de frapper ma poitrine. Je sens le souffle de Carlos se faire plus court, je pose mes lèvres sur les siennes et tout mon corps se colle au sien. J'ai besoin de lui dans ma vie, j'ai besoin qu'il soit à moi. J'ai cru qu'on avançait lui et moi, j'ai cru compter pour lui quand il a renoncé à ces soirées avec les autres et quand il n'a pas pu coucher avec une femme. J'aime Carlos, je l'aime comme jamais je n'aurais cru ça possible et maintenant, je suis incapable de me détacher de lui.

Sa bouche hésite puis finit par se poser sur la mienne, mes mains caressent son corps parfait, ce corps que je connais par cœur à présent avant qu'il ne me repousse violemment.
 
—  Putain, non, Lando !
 
Il a l'air essoufflé, comme s'il luttait pour ne pas craquer. Il ne voit pas que ça ne sert à rien ? Il ne voit pas qu'il gâche tout et passe à côté du bonheur ? Carlos est tellement bien endoctriné par sa famille, le foot et la société que pour lui, ça semble normal.

—  Tu vas tout gâcher pour quoi ? Des connards qui ne comprennent rien !
 
J'inspire, je sens la colère revenir en moi parce que je sais que rien ne le fera changer d'avis, à présent.
 
—  Carlos, on peut trouver une solution, jusqu'ici ça a marché.
 
Carlos se redresse du mur, son visage a repris sa détermination, il ne lâchera pas son idée.
 
—  Tu sais ce que je vais faire ce soir ?
 
Je ne lâche pas ses yeux, alors que je comprends ce qu'il insinue. Sortir, baiser des femmes et montrer à tout le monde qu'il est le parfait hétéro que tout le monde connaît. J'en brûle de jalousie de l'imaginer dans les bras d'une femme même si je sais qu'il n'y prend pas réellement de plaisir, il va le faire, il va la toucher, la prendre.
 
—  Tu vois, tu ne le supporteras pas, Lando. Je ne sais pas ce qu'on espérait toi et moi, c'était couru d'avance. Que ce soit les femmes ou les rumeurs, jamais on n'aurait pu être heureux ensemble. À part souffrir, on n'obtiendra rien de cette relation alors autant s'épargner et y mettre fin maintenant. Tu vas sûrement me trouver égoïste, mais ma carrière, mon image c'est tout ce que j'ai et je ne tiens pas à les perdre.
 
Je me laisse tomber sur la table basse, trop abasourdi par ce qu'il pense.
 
—  Tout est faux, Carlos. Tout ce que tu crois avoir tout ça c'est faux, ce n'est pas toi.
 
—  Peut-être, dit-il en s'approchant, mais c'est tout ce que j'ai et je compte bien le garder. Tout ou rien, Lando, on ne peut pas se donner tout, alors ce ne sera rien.
 
Carlos se baisse pour prendre son sac à mes pieds et j'attrape son poignet avant qu'il ne se redresse. Mes yeux se lèvent sur les siens, j'aimerais y voir autre chose que ce besoin d'être ce qu'il n'est pas, j'aimerais qu'il me montre que je compte pour lui et qu'ensemble, on pourrait y arriver. J'aimerais tout ça, mais il n'y a rien comme s'il se refusait à ressentir quoi que ce soit. Il n'est pas rien pour moi jamais, même s'il franchit cette porte, ça ne changera pas.
 
—  Tu es mon « tout ». Je t'aime, Carlos.

The Hidden Face [Carlando]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant