Chapitre 42

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~Carlos~


Dix jours que tout le monde sait et j'ai l'impression qu'une seule heure s'est écoulée. C'est la première fois que je reviens au centre d'entraînement. J'ai bien tenté de convaincre Boris le kiné de venir chez moi. Ce dernier, a refusé. Je soupçonne C d'être derrière cette décision. À croire qu'il veut me faire sortir de chez moi. Je sais qu'il a raison, mais je ne veux pas y être poussé, j'ai pris la décision de me débrouiller seul. Les problèmes que j'ai à régler, je dois les régler sans personne.

Hier, j'ai eu une interview avec une journaliste plutôt sympa, son visage me disait quelque chose et à mon avis, j'ai dû baiser avec elle, mais je ne m'en souviens pas. J'ai connu tellement de femmes, à vrai dire... On a parlé longuement, je lui ai filé l'exclusivité. Elle travaille pour le plus grand magazine de sport du pays, elle y gagne à m'avoir rencontré. On y gagne tous les deux. Je lui ai livré « L'histoire de Carlos Sainz ». J'ai répondu aux questions que tout le monde se posent, l'article ne devrait pas tarder à paraître. Les gens sauront, ils arrêteront de dire des conneries comme ça. Même si d'après ma sœur, personne n'a osé casser du sucre sur mon dos, ils doivent tous être tellement sur le cul...

Blanca est passée il y a deux-trois jours. On a beaucoup discuté sur l'avenir, sur ce qu'on allait devoir faire. J'ai compris à quel point ma sœur avait tout envisagé, comme si elle était certaine qu'un jour, je changerais d'avis. Elle avait raison, j'ai changé d'avis et pris ma vie en main. C'est allé vite, très vite, mais tout m'est apparu comme une évidence. Ça m'a brisé le cœur de voir dans quel état elle était, ce n'est pas dur seulement pour moi, mais aussi pour tout le reste de mon entourage.

Blanca surtout, c'est elle qui se retrouve entre deux chaises, tiraillées entre nos idiots de parents et son frère. Elle avait du mal à me regarder dans les yeux, pas qu'elle ait honte, non, j'ai compris qu'elle tentait de cacher son regard noyé par la peine. Elle y parvient bien derrière ses lunettes de soleil noires. Malgré ce qu'elle ressent, elle reste un requin, et comme tout requin dans son milieu, je suis sa cause à défendre et ma sœur défend ceux à qui elle tient, qu'importe si c'est dur.

Notre famille ne sera plus jamais comme avant, nous le savons tous les deux. À moi de tenter d'éteindre certaines flammes en prouvant que ma petite « différence » ne change quasiment rien de la personne que je suis. Si on oublie l'image de tombeur, l'homme impliqué dans son métier, dans les actions bénévoles et caritatives, le mec déconneur et blagueur, impliqué et amical, je reste toujours le même. Sauf qu'à présent, je dois le prouver.

J'ai enfin téléphoné à C, on a parlé aussi, longuement. J'ai refusé qu'il passe à mon appartement, préférant ne pas le voir face à face pour l'instant.

Dans les semaines à venir, je vais être obligé de voir les dirigeants pour discuter de mon contrat. Blanca m'a assuré qu'on ne me virerait pas, mais je préfère être présent. Mon avenir professionnel se joue, je le sais, des hommes sont assis autour d'une table et sont en train de discuter du club, et de l'image que deux « gays » vont lui donner. Si je ne me suis pas trompé, Manchester devrait se foutre de nos préférences sexuelles, tant que nous lui apportons des coupes à encadrer dans le couloir qui mène au bureau du Président. Et même si j'ai décidé de prendre ma vie en main, je ne cache à personne que mon avenir me fait flipper, j'ai vraiment peur d'avoir joué les mauvaises cartes au mauvais moment.

Mes objectifs ? Garder ma place au sein de l'équipe, et pourquoi pas le brassard l'année prochaine, lorsque je serai de nouveau apte. En attendant, si on ne me transfère pas aux États-Unis, je devrais à nouveau faire mes preuves sur le terrain. C'est ce qui me blesse le plus, je pense, devoir prouver aux autres que je n'ai pas changé en révélant que j'étais gay.

The Hidden Face [Carlando]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant