Chapitre 34

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~Lando~
 
  
Je ne sais pourquoi je suis là. Sûrement parce que je le peux. À vrai dire, je goûte à ma nouvelle liberté, mais elle ne me rend pas plus heureux. Pourtant, je n'ai pas besoin de me cacher, mais la liberté peut avoir un goût amer quand on la savoure seul. Je laisse ma tête tomber au-dessus de mon verre, auquel je n'ai pas touché.

Demain, il y a un match et même si je sors, je tiens à être en forme. Déjà que les supporters ne m'ont pas à la bonne, si je joue mal, je suis foutu.

Tout le monde m'a à l'œil comme si le fait de savoir que je suis homo allait modifier mon jeu. J'essaye de ne rien changer, mais étonnamment quand le regard des autres change, on a du mal à rester celui qu'on était. La pression change la donne. Et Carlos.
 
—  Tu vas finir par le boire ?
 
Je tourne la tête vers la voix qui me souffle ces mots à l'oreille. La musique est si forte ici qu'il est dur de se faire comprendre autrement. Un homme, un sourire en coin, des yeux bleus fureteurs qui fixent les miens sous ma casquette et une odeur de menthe. Il pointe du doigt mon verre quand il voit que je ne réponds pas.
 
—  Ou tu es du genre ancien alcoolique qui se frotte à la tentation ?
 
Il me sourit et je sens mes lèvres se relever devant son visage gai et souriant.
 
—  Pour l'instant, je le regarde.
 
Je me redresse puis je le regarde vraiment, ses traits forts et posés comme son corps, imposant sur le tabouret du bar. Il a l'air d'un bûcheron ou quelque chose qui se rapporte au travail manuel.
 
—  Ah, tu lis l'avenir dans le whisky !
 
Je souris en pensant que j'aimerais bien connaître l'avenir, ça aiderait sûrement.
 
—  Si seulement.
 
Il s'approche de moi, ses lèvres à quelques centimètres de mon oreille, je sens son souffle mentholé sur ma peau, mon corps réagit au contact de sa main sur mon épaule et se tend.
 
—  Je crois que tu devrais le boire ce verre.

Il me relâche et se rassoit sur son tabouret pour appeler le serveur d'un signe de la main. Qu'est-ce qu'il veut dire ? Que j'en ai besoin ? J'ai l'air si mal que ça ?

Je retourne à la contemplation de mon verre, j'en ai pas envie de le boire, j'ai envie de Carlos et je n'arrive pas à me le sortir de la tête. Le voir tous les jours devient un supplice, enfin, je devrais m'estimer heureux, il n'a pas ramené sa « copine » depuis la dernière fois. J'en ai marre de cette situation entre nous, je n'arrive pas à l'oublier et c'est sûrement pour ça que je me suis traîné dans ce bar gay du centre de Manchester. Je veux passer à autre chose. Avant lui, je n'avais aucun problème à passer d'un mec à l'autre et maintenant même le bûcheron ne me fait pas d'effet. Je deviens pathétique et j'ai l'impression que pendant que lui retourne à sa vie, moi, je stagne.
 
—  Je t'en offre un autre à contempler ?
 
Il s'est rapproché de moi pour me parler toujours avec cette odeur de menthe et je me demande vaguement comment sera le mélange menthe whisky dans sa bouche souriante. Je décline son offre, un verre à contempler me suffit pour l'instant quand je surprends son regard insistant sur moi.
 
—  Je sais que ça va faire cliché et crois-moi, je n'ai pas sorti cette phrase depuis mes 15 ans peut être, mais... on se connaît, non ? Ton visage ne m'est pas inconnu.
 
Je souris en renfonçant ma casquette. Qui dans ce pays n'a pas vu ma tête aux infos ces derniers jours ? Même ceux qui ne suivent pas le foot savent qui je suis, à présent.
 
—  Non, on ne se connaît pas.
 
—  Karl, dit-il en me tendant sa main.
 
Je mets quelques secondes à réagir, la sonorité de son nom a du mal à passer.
 
—  Lando.
 
Sa poigne est forte, aussi forte que ses mains sont larges jusqu'à ce qu'il me relâche en caressant ma main. Il sourit toujours, même lorsqu'il se penche pour me parler à l'oreille je sens qu'il sourit. C'est plutôt agréable de discuter avec lui, mais ça ne me fait rien de plus. Mon corps ne s'emballe pas, mon cerveau ne m'envoie pas des images de nous deux en train de baiser, rien. Pourtant, c'est ce qui va arriver.

The Hidden Face [Carlando]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant