Chapitre 37

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~Carlos~

 
Je regarde mes mains qui tremblent, le stress commence à monter. Si ma sœur pense que j'agis sur un coup de tête, c'est faux, elle se trompe. J'ai bien réfléchi depuis deux jours, je dois le faire, ça doit se passer comme ça, sinon, ça ne s'arrêtera jamais.

Je tente de me détendre en admirant d'un œil attentif les photos qui ornent le mur du centre, des centaines de clichés de joueurs pris dans le feu de l'action ou lors des célèbres portraits annuels, pour chaque nouvelle saison. C'est la journée où l'on présente l'équipe entière. Les dirigeants, le Président du club se déplacent même pour faire la photo de groupe.

J'ai douze années de souvenirs, douze photos qui sont affichées sur ce mur, où j'apparais. Je souris en me rendant compte à quel point j'ai été une victoire de la coiffure, bon sang, j'affiche un look différent sur presque chaque portrait.

Mais surtout, je me rends compte, aujourd'hui, que douze ans c'est long.

C avait raison, j'ai passé la moitié de ma vie à me mentir et à mentir aux autres, et lorsque je vois ces clichés qui sont censés représenter à quel point la vie du club est formidable et familiale, je me rends compte que j'ai fait pas mal d'erreurs.

Le gosse de mes débuts avait raison d'avoir peur, l'insouciance et l'inconnu, c'est effrayant, surtout lorsque l'on est différent. Mais l'homme que je suis, à présent, doit-il encore rester un gamin ? J'en doute. À trente ans, on ne devrait plus être un gamin, on devrait s'affirmer en tant qu'homme et ne pas avoir honte des secrets qu'on a pu cacher durant des années.

Personne n'est parfait ici. Les scandales, on connaît, les affaires glauques aussi. Le club a dû supporter des histoires aussi lourdes qu'un coming-out. L'ancien capitaine par exemple, une histoire avec des prostitués russes. Même Fernando n'a pas été épargné, il y a cinq ans. Une coucherie d'un soir, une nana qui tape à la porte du centre en disant qu'elle est enceinte du gardien phare et célèbre de l'équipe. Tout le monde savait que Fernando n'était pas réputé pour sa fidélité envers sa femme même s'il l'aime, mais ça a failli tout foutre en l'air... pour de simples mensonges.

Et moi ? Ça foutra tout en l'air si je décide de révéler aux yeux de tous ce que je suis vraiment ?
 
—  Carlos ?
 
Je me tourne vers Blanca qui sort du bureau de mon coach, elle est accompagnée de C. Tous deux me regardent avec prudence et attention. Qu'ils se rassurent, je sais ce que je fais. La peur m'accompagne, mais je ne reviendrai pas en arrière. Le déclic que j'ai eu en voyant le mec que j'aimais sur un lit d'hôpital à cause de la connerie des gens a tout fait basculer, et ça en l'espace de quelques secondes. Tout m'est apparu comme une évidence, ça ne peut pas être autrement. Ça doit se passer comme ça, il m'a fallu du temps pour le réaliser, je ne m'attendais pas à ce qu'un jour je comprenne ce qu'il y avait à comprendre. Quitter Lando m'avait, certes, mis la puce à l'oreille en réalisant ce que j'avais perdu. Mais ce n'est pas seulement pour lui que je vais faire ce que je m'apprête à faire. Il m'a juste ouvert les yeux, et je regrette qu'il ait fallu qu'il se retrouve blessé pour que je comprenne enfin.

Je passe un bras autour des épaules de ma sœur, et viens déposer un baiser sur son crâne. C'est moi qui devrais la protéger normalement, pas l'inverse, et son regard ultra protecteur me le prouve.
 
—  Tout va bien, rassure-toi.
 
Blanca hausse les épaules. Je vois bien qu'elle est inquiète, même si au fond d'elle, elle est soulagée que tout se termine enfin. Douze ans qu'elle tente de me convaincre, douze ans qu'elle se sent impuissante.

J'espère que Blanca a raison lorsqu'elle me dit que tout se passera bien. Je croise les doigts pour. On verra. En attendant, ça doit être fait.
 
—  Tu es bien sûr ? me demande ma sœur.
 
Je regarde mon coach qui hoche la tête, un léger sourire marque son visage dur, oui, je suis sûr.
 
—  Oui, Blanca, ça doit être fait.
 
—  Je ne veux pas que tu le fasses sur un coup de tête, Carlos. Je sais que ça devrait être toi qui flippes parce que ce n'est pas rien ce que tu t'apprêtes à faire, je devrais être celle qui te rassure. Mais je veux être bien certaine que c'est ce que tu veux. Une fois entré dans cette salle, on ne pourra pas faire machine arrière. Je veux que tu réalises bien que dans une heure, toute ta vie aura changé.
 
Évidemment que je le sais, ça fait douze ans que j'ai le scénario en tête. Ma carrière va prendre un tournant et que personne n'arrivera à prévoir l'avenir.

The Hidden Face [Carlando]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant