Chapitre 20 ~ Partie 1

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~Lando~
 
 
On monte dans le car qui va nous conduire à l'hôtel et je sens déjà que même l'air a changé. Il y a quelque chose de différent, un vent de bouleversement souffle.

Je stresse comme jamais, mes nerfs sont à la limite de craquer. Je ne vais pas supporter la moindre réflexion ou la moindre remarque. J'essaye de me ressaisir, de me dire que tout ira bien, qu'il n'y a pas de raison que l'équipe soit au courant et que tout ira bien. Mais soyons lucides, je me leurre encore une fois.

On s'installe avec Carlos au milieu du car, je suis silencieux depuis qu'on est partis. Je devrais sûrement lui dire les raisons de mon départ de Milan, histoire qu'il soit préparé à ce qu'il pourrait se passer. Je n'en ai pas le courage. Je ne sais pas comment il réagirait et je suis trop lâche pour le décevoir et l'affronter.

Je me cale dans mon siège, Carlos, à côté de moi, soupire et je me retourne vers lui. Ses yeux ne cachent pas qu'il en a marre de mon silence, aussi je tente un sourire rassurant et il détourne les yeux.
 
—  J'espère que t'as prévu les lunettes de soleil, dis-je en regardant par la vitre. Le soleil tape très fort ici.
 
—  Je ne suis pas sûr de mettre le nez dehors avant le match.
 
Je fais volte-face si vite que j'entends ma nuque craquer. Les yeux du champion me transpercent, je ne sais pas ce qu'il s'imagine, mais il est clair qu'il se trompe. J'ai bien l'intention de lui faire voir « le soleil ». C'est ce qu'il croit ? Que je ne veux plus de lui ? Que c'est notre relation qui me pèse ? Nom de dieu ! Comment il peut penser ça ? Si un jour, un de nous doit être amené à faire ce constat, ce sera moi, quand il verra qu'il risque sa réputation.
 
—  Crois-moi, le soleil n'oublie jamais l'Italie.
 
Son regard m'affronte encore quelques instants avant qu'il ne s'adoucisse et me fasse sourire.
 
—  Au pire, dis-je en tentant de ne pas rire, ils ont de magnifiques douches.
 
Carlos rit enfin, il a l'air de se détendre, je me rends compte que mon stress influe sur lui bien malgré moi. C'est la dernière chose que je veux, qu'il s'inquiète, surtout avec le match à venir. On a besoin du champion en forme si on veut gagner, on a besoin de toute l'équipe en forme. Milan n'est pas la meilleure équipe d'Europe, mais c'est un ramassis de sacrés connards sacrément doués.

J'ai fait partie de ces connards, j'aime à penser que je ne l'étais pas autant qu'eux. Je n'étais pas des plus intégrés dans l'équipe, il y a toujours eu comme une barrière entre eux et moi, des délires que je ne partageais pas. Je suis passé plus d'une fois pour le rabat-joie, mais j'aime autant ça que d'être acteur de scène dérangeante. J'ai ma conscience pour moi, enfin jusqu'à ce jour qui a finalement donné ce tournant à ma vie et jusqu'ici, je ne le regrettais pas.

On arrive à l'hôtel près du stade d'entraînement de Milan, j'ai l'impression que j'avance vers l'échafaud. J'espère ne pas les croiser avant le match dans deux jours. Normalement, ça ne devrait pas poser de problème, si je ne sors pas de l'hôtel sauf pour l'entraînement, ce que je compte bien faire.

On entre dans la chambre. Par chance, le coach nous a encore casés ensemble avec Carlos. Comme à son habitude, mon capitaine monopolise le lit de droite et saute dessus comme un gosse.
 
—  Je teste la literie ! me dit-il en voyant que je ris de son comportement.
 
—  Y a d'autres moyens pour la tester.
 
Carlos se redresse et s'approche de moi, ses bras m'enlacent avant que sa bouche se pose doucement sur la mienne.
 
—  Je ne suis pas la literie, dis-je un peu étonné qu'il soit si distant comme s'il avait peur que je le repousse.
 
Je prends son visage entre mes mains et plaque ma bouche sur la sienne. Carlos se détend en gémissant je le préfère comme ça ; à l'aise avec moi sans tension autre que sexuelle.

On frappe à la porte et on fait chacun un bond en arrière, essoufflés, quand Sebastian hurle depuis le couloir.
 
—  Vous venez ?
 
—  Où ? je demande à Carlos.

—  À Milan, je ne sais pas où.
 
Je me laisse tomber sur mon lit pendant que Carlos me dévisage.
 
—  Je suppose que tu ne viens pas ?
 
—  Tu supposes bien.
 
Je l'entends soupirer puis, le bruit de ses pas en direction de la porte et plus rien.

Je me laisse tomber sur le lit. Je n'aime pas la situation, l'espèce de froid qu'il y a entre nous même si je sais que c'est de ma faute que Carlos essaie de ne pas insister, je ne peux rien lui dire.

Je regarde ma montre, il n'est que vingt heures. Elle est magnifique, je n'en reviens pas que mon père me l'ait donné. Ses montres, ça compte autant que Manchester et je ne pensais pas en être digne. Ça n'efface pas tout entre nous, mais ça me touche qu'il estime que je mérite cette montre plus que je ne lui avouerais jamais. Il reste toujours cette tension entre nous, mais je sais qu'il m'aime.

Carlos a raison. J'ai de la chance d'avoir ma famille, j'ai bien vu que c'était un peu difficile pour lui, à mon anniversaire. Même s'il était heureux d'être avec nous, il y avait dans ses yeux du regret. Il ne me le dira pas, mais j'arrive à lire en lui comme dans un livre ouvert. Sa famille, l'image qu'ils ont de lui et le fait qu'il pense ne jamais être totalement lui-même en leur présence lui fait mal. Je ne connais pas ses parents, mais je doute qu'ils rejettent leur fils pour ça, enfin ce ne serait pas le premier à se faire bannir pour son homosexualité, mais j'ai du mal à imaginer ça. Sûrement parce que je n'envisage pas qu'on puisse lui faire du mal.

Carlos est quelqu'un de profondément bon, juste et gentil. Rien que l'idée de le voir malheureux me donne la nausée. Je souris au plafond. Putain, je suis totalement accro à ce mec, je vis un rêve avec lui, quelque chose que je n'aurais jamais imaginé pouvoir faire tant que je joue, mais non, c'est là, présent en moi, comme Carlos l'est dans ma vie. Même si ce soir, je doute de ce qu'il va faire, sortir avec les autres, c'est signe de femmes. Je ne veux pas savoir, je préfère me leurrer encore une fois et imaginer qu'il ne se passera rien. Je ne veux pas le perdre et je ferai en sorte que ça n'arrive pas.

The Hidden Face [Carlando]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant