The Hidden Face [Carlando]

Chapitre 3

~Carlos~
 

—  Tu fais quoi, ce soir ?
 
Je m'accroupis pour faire mes lacets. Ces merdes ne tiennent jamais, surtout lorsque les crampons sont neufs, les lacets sont trop durs, c'est un vrai casse-tête pour faire des nœuds. En match, c'est l'horreur, je suis toujours obligé d'attendre un arrêt de jeu pour les refaire. Au début de ma carrière, avant que je ne sois habitué à courir avec des lacets défaits, je ne compte pas le nombre de fois où je me suis étalé par terre. Ça, c'est vraiment se prendre la honte. Et entendre une foule de cent mille spectateurs rire aux éclats, c'est encore pire. On ne m'appelait pas le « Chuteur » pour mon don de mettre à terre mes adversaires, non, c'était pour ça. J'ai mis deux saisons à me débarrer de ce surnom à la con.
 
—  Rien, je vais peut-être voir ma sœur et après, je vais rattraper mes heures de sommeil devant le match de ce soir.
 
Enfin, rien, c'est vite dit : officiellement, je ne vais rien faire, mais officieusement, c'est une autre histoire. Mais ça, personne ne va le savoir.
 
—  C'est bien ça, on devrait tous faire pareil.
 
Ou pas. Mentir, ce n'est pas bien, et pour moi, c'est ma spécialité. Je sais que c'est mal, au début, je m'en voulais, je n'aimais pas raconter de la merde aux mecs qui étaient mes amis, mes coéquipiers, et puis j'ai assisté à quelques « descentes » de sportifs qui faisaient leur coming-out, et franchement, ça ne donnait pas envie d'être à leur place. Leur carrière, leur réputation, ce qu'ils ont été, tout disparaît parce qu'ils avouent être des « PD ». Parfois, il suffit même de moins que ça  pour briser un joueur, une histoire fiscale ou de tromperie peut tout foutre en l'air. Nos vies de sportifs adulés ne tiennent qu'à un fil ; si une photo dans un magazine avec une autre femme que la sienne peut tout détruire, alors l'annonce d'une homosexualité...

Le monde du foot n'est pas tolérant, mais pas du tout, alors on doit faire avec. Je fais avec.

Je me tourne vers Seb, qui s'étire. Il grince des dents, le pauvre a dû morfler lors de notre dernier match et il n'est pas au bout de ses peines, ce n'est que le début de la matinée.

Le Coach est en forme, il n'a pas apprécié les remarques des joueurs la veille, lors du visionnage du match, je pense qu'il va tenter de nous donner une bonne leçon.

C'est lui le « chef », c'est lui qui a le dernier mot, et même s'il a tort, ça fait peut-être de moi un faible en me « rabaissant » à ses idéaux, mais le monde du sport — du foot en tout cas — marche comme ça. Esteban et ses camarades devraient prendre exemple des types comme Seb, Fernando, moi, ou même Daniel, notre meilleur élément en défense, un vrai déménageur.

Tous les clubs d'Europe tentent de se l'arracher, c'est une putain de grande gueule qui ne supporte aucune réflexion sur sa manière de jouer, mais qui pourtant, accepte celle de notre coach. Et ça, ça c'est un joueur respectable.

Je fixe à l'autre bout du terrain, les trois idiots qui se prennent pour des grands, ils n'ont rien de respectable et je dois les supporter parce que je suis capitaine. Mon poste est de jouer avec eux.

J'en suis désespéré d'avance, ça me gonfle. J'espère que le nouveau sera plus cool à intégrer parce que je vais devoir passer du temps avec lui. D'ailleurs, ça m'intrigue, son transfert m'intrigue, j'ai envie de savoir qui c'est, et pourquoi on le transfert hors Mercato. J'ai cherché hier soir, mais bon, avec plus de trois cents résultats, dont une cinquantaine en Europe qui jouent en pro, j'ai vite arrêté. Une fois que j'aurai son prénom, je pourrai plus facilement savoir qui il est et mener ma petite enquête si jamais je le trouve trop louche.
 
—  Ho, Carlos ? Je te parle !
 
—  Ouais ? Pardon, je réfléchissais.
 
Seb arrête de s'étirer et vient me rejoindre.
 
—  Au nouveau ? Ou aux ploucs, là-bas ?
 
James a un putain de don, il comprend tout d'un regard et ça, c'est super pratique lors des matchs quand la foule crie et que communiquer devient un vrai casse-tête.