Ils remontaient Exhibition Road, la rue des musées, entre le Victoria et Albert, qui s'élevait sur leur droite, et le musée de la Science, un peu plus loin à gauche. La chaussée était large, assez pour permettre le passage de quatre voitures de front. Au sol, un pavage dessinait une suite de losanges blancs sur fond gris. Un alignement régulier d'immenses pylônes, semblables à des mâts de drapeaux, courait au milieu de la voie.
Ryan et ses chasseurs marchaient en rangs serrés, presque comme une brigade militaire. Tadashi n'aimait pas les chasseurs. Ils lui faisaient peur avec leurs énormes chiens, leurs cuirs cloutés et leurs terribles masques qui n'étaient autre que des visages prélevés directement sur des dépouilles d'adultes. En plus, ils étaient d'une saleté répugnante. Ils sentaient la sueur, le sang et bien pire encore. Ils lui rappelaient les enfants de Saint-James Park, ceux avec lesquels il vivait avant que Bokuto et les siens ne débarquent. En guise de trophée, Ryan portait même à sa ceinture un chapelet d'oreilles humaines.Unique motif de consolation : Tadashi se sentait en sécurité à leurs côtés. La rue était leur territoire, leur fief, leur royaume. On sentait bien avec quelle assurance ils arpentaient le pavé. Pour autant, ils ne relâchaient pas un seul instant leur vigilance, épiant les bruits aux alentours et balayant régulièrement du regard les quatre coins du décor. Cinq de leurs chiens trottinaient en tête du groupe, sans laisse. Ils fourraient leurs nez partout, flairaient chaque poubelle, chaque seuil de porte, chaque coin de trottoir, ponctuant leurs inspections par quelques gouttes d'urine. Les autres, les plus gros et les plus impressionnants, tenus en laisse par de courtes chaînes aux épais maillons d'acier, avançaient docilement au pas des enfants.
Tadashi aimait les chiens. D'ailleurs il aurait bien voulu en avoir un. Pas un molosse comme celui de Ryan. Non, plutôt un épagneul ou un terrier. Il avait longtemps eu deux jack russell, qui l'avaient accompagné dans les premiers temps de débâcle, quand l'épidémie s'était déclarée. Et même longtemps après. Ils avaient aussi connu le camp de Saint-James Park où le chef, Yūji, aimait bien jouer avec eux, leur faire chasser les rats... Et puis un soir, il les avait tués et les avait mangés.
Alors qu'il marchait en tête, Bokuto ralentit et se laissa rattraper par la troupe jusqu'à se retrouver à hauteur de Tadashi.- Hé, Yams ! Ça te dirait pas de rejoindre cette bande ? De quitter le musée pour courir les rues ?
- Bof, j'sais pas trop, répondit Tadashi d'un ton évasif alors même qu'à la simple évocation de cette idée ses cheveux se dressaient sur sa tête.
Non, il aimait bien mieux avoir un endroit fixe où dormir, si possible entre quatre murs de briques bien épais. Par chance, beaucoup d'autres enfants au musée d'Histoire naturelle comptaient sur Bokuto.
- Et tes potes ?
- Quoi, mes potes ? soupira Bokuto en haussant les épaules.
- Ben, qu'est-ce ce qu'ils feraient sans toi ? T'es leur héros. Tu peux pas les laisser tomber. Tu es leur meilleur guerrier, leur meilleur tueur.
- Bah, la plupart peuvent pas me saquer.
- Tu vas pas me faire croire que ça te dérange ?
- Non. Et puis ils savent bien qu'au bout du compte ils auront besoin de moi, donc ils font tout ce qu'ils peuvent pour que ça se voie pas, ils me caressent tous dans le sens du poil. Moi, du moment qu'ils me montrent du respect, j'suis cool.
Ça, il pouvait le dire. Sûrement le gars le plus cool de la terre. Tadashi aimait tout chez lui - sa mine patibulaire et balafrée, ses cheveux particuliers, son oreille mutilée, la manière dont il pouvait, d'un instant à l'autre, passer d'un flegme rassurant à la rage la plus féroce. Et quand il s'agissait de se battre, personne ne lui arrivait à la cheville.
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ENEMY Tome 5 : La fin
FanfictionNishinoya découvre que l'armée de Saint Georges se dirige vers le cœur de Tokyo. Il doit à tout prix convaincre les enfants de s'unir s'ils veulent survivre : la bataille finale s'annonce sanglante. Personne n'en sortira indemne...