Le type qu'ils étaient venus voir, Saif, était avachi dans un gros fauteuil, à la manière d'un roi fainéant en couverture d'un roman d'heroic fantasy. Ses longs cheveux noirs et bouclés encadraient un visage olivâtre qui affichait une expression se voulant sans doute sombre et menaçante mais qui, ne lui en déplaise, était juste fermée, voire un brin stupide.
Il toisait Nishinoya et Satori. Et ça faisait un moment que ça durait, prolongeant l'attente ainsi que le côté théâtral de la situation jusqu'au ridicule. Satori devait se retenir pour ne pas rire.- Alors comme ça t'es revenu, lâcha finalement Saif, les yeux fixés sur Nishinoya.
Ils se trouvaient au beau milieu du magasin IKEA où les enfants avaient pris leurs quartiers, tirant parti du mobilier d'exposition pour constituer différents lieux de vie. En l'occurrence, ce grand hall pouvant accueillir une bonne centaine de personnes évoquait une sorte de salle du trône.
- Comme tu vois, répondit Nishinoya. Je suis de retour. Et ça c'est... quelqu'un qui est avec moi.
Satori esquissa un sourire. Nishinoya n'arrivait pas à se résoudre à le présenter comme son ami.
- Quelqu'un qui est avec toi ?
- Ravi de faire votre connaissance, répondit Satori avec son plus beau sourire. Nishinoya m'a beaucoup parlé de vous.
Ce qu'il avait effectivement fait, racontant en long en large et en travers comment il avait ramené ici un guerrier blessé lors d'un accrochage avec l'armée de Saint Georges, comment il avait essayé de mettre Saif en garde contre le danger que représentait ledit Saint Georges et comment Saif, ignorant ses conseils, avait tout de même attaqué les adultes. Pas plus que Satori n'avait cru que les « zombis », comme il les appelait, pouvaient être organisés.
La suite du récit faisait état d'une grue en haut de laquelle était monté Nishinoya pour suivre le déroulement de la bataille. Comme il l'avait pressenti, les troupes de Saif s'étaient fait massacrer. Une débâcle si complète qu'il n'était même pas certain que le chef s'en soit tiré.
Eh bien si. La preuve. Puisqu'il était là, plus vrai que nature.- Et qu'est-ce qu'y t'a dit sur moi ? demanda Saif.
- Il m'a dit que vous aviez un camp vraiment top et que vous étiez des combattants hors pair.
À ce jeu-là, il fallait bien reconnaître que Satori était bon. La diplomatie, il avait ça dans le sang. Aussi Nishinoya avait-il décidé de lui laisser l'initiative des pourparlers.
- T'as un nom ?
- La plupart des gens m'appellent Satori.
- Eh bien, Satori, t'a-t-il dit aussi qu'on n'avait pas écouté ses conseils ?
- En effet, il me l'a dit. En fait, il a vu ce qui vous est arrivé.
- Non ?
- Si, si.
- Et il est venu en remettre une couche, c'est ça ? Genre, je vous l'avais bien dit et patati et patata ?
- Pas du tout. Si j'ai bien compris, il est venu pour vous venger.
- Nous venger de quoi ?
- Des zombis qui ont tué vos amis.
- Comme ça ? À vous deux ? Donc, en fait, Satori, t'es une sorte de super héros ? À toi tout seul, tu vas tous les anéantir ?
- Non. Mais il y a beaucoup d'enfants au centre-ville. Et ils veulent tous la même chose que vous.
- Tu m'en diras tant...
- Oui, intervint Nishinoya, qui perdait patience. Je te le dis.
Satori analysa vite fait la situation. La dernière fois, en refusant d'écouter Nishinoya, Saif était passé pour un con. Maintenant, il essayait de sauver la face. De son côté, Nishinoya commençait à s'impatienter. Peut-être que le temps de la diplomatie était révolu.
- Si on s'unissait, on pourrait lever une armée, dit Nishinoya, et détruire Saint Georges une fois pour toutes.
- On garde un œil sur eux, fit remarquer un autre garçon.
Se tournant vers lui, Nishinoya le salua d'un signe de tête amical.
- Ça va, Dan ?
- Cool.
Dan était le pire pote de Nori, le gars que Nishinoya avait sauvé, ceci expliquant peut-être pourquoi il était un des rares à s'être montré sympa avec lui.
- Donc vous êtes au courant qu'ils ont cessé de se déplacer ? dit Nishinoya.
- Ouais, répondit Dan. Ça fait des jours qu'ils squattent le cimetière de Kilburn sans bouger d'un pouce.
- Pourtant, à un moment donné, ils vont se mettre en marche, croyez-moi, dit Nishinoya. Dès qu'ils seront prêts.
- Ah ouais ? souffla Saif avec un petit rire moqueur. Tu sais ça, toi ? Ah, mais oui, j'oubliais, tu les connais bien ces enfoirés. T'es presque l'un des leurs.
- Effectivement, je les ai bien étudiés. Et oui, peut-être que je suis venu en remettre une couche. La dernière fois, tu t'es comporté comme un vrai con, Saif. Tu n'as pas tenu compte de ma mise en garde. La suite de l'histoire a prouvé que j'avais raison et que tu avais tort. Pour être honnête, je suis surpris qu'ils t'aient laissé à la tête du clan. Combien de gars sont morts à cause de toi ?
Hors de lui, Saif bondit de son siège et s'approcha de Nishinoya d'un pas martial, ne s'arrêtant qu'à quelques centimètres de son visage, le fusillant du regard, le pressant de reculer, de baisser les yeux. Là où Satori n'aurait pas tenu plus de cinq secondes, Nishinoya soutenait l'affront sans ciller.
- Que ça te plaise ou non, le chef ici, c'est moi ! Et il ne viendrait à personne l'idée de le contester. Pour la simple et bonne raison que je suis le meilleur pour assumer ce poste.
- Dans ce cas, dit Nishinoya, tu auras peut-être l'intelligence de m'écouter, cette fois. Montre-moi du respect et je t'en montrerai en retour.
Sur ce, il lui tendit la main. Saif la fixa un long moment avant d'éclater de rire et de la serrer avec enthousiasme.
- Qu'attends-tu de moi, monsieur le dur à cuire ?
- Pour l'instant, Saint Georges est sur le pied de guerre. Il n'a pas abandonné la partie. Non. Il rassemble ses forces. Il se prépare. Et quand il sera prêt, il passera à l'action.
- Quelle action ?
- Ça, j'en sais rien. Tout ce que je souhaite c'est que, d'ici là, on ait eu le temps de s'unir et de créer notre propre armée. Si on s'y met tous, on sera en mesure de l'affronter.
- Où est-ce que j'interviens ?
- Nous aurons sûrement besoin de votre aide pour certaines manœuvres particulières, mais, pour l'heure, je voudrais que vous continuiez à faire ce que vous faites déjà, c'est-à-dire les surveiller. Au moindre signe de mouvement, vous foncez nous prévenir. Ensuite, je vous veux à nos côtés pour la bataille finale, pour qu'ensemble on règle une bonne fois pour toutes son compte à Saint Georges.
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ENEMY Tome 5 : La fin
FanfictionNishinoya découvre que l'armée de Saint Georges se dirige vers le cœur de Tokyo. Il doit à tout prix convaincre les enfants de s'unir s'ils veulent survivre : la bataille finale s'annonce sanglante. Personne n'en sortira indemne...