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- Allez, allez, en rang ! Bien alignés. C'est pas des soldats, ça ! On croirait une bande de marmots dans une cour d'école !

Wiki gloussa.

- Je voudrais pas paraître insolent, Tadashi, mais on est une bande de marmots.

- Vous ne le serez plus quand j'en aurais terminé avec vous. (Tadashi détestait que ses troufions lui répondent.) Nous allons mener la croisade des enfants et éradiquer jusqu'au dernier adulte de la surface du globe, tonna-t-il, faisant les cent pas devant la ligne accidentée de petiots en agitant une des lances de Bokuto.

Il s'évertuait à se donner des airs de sergent instructeur entraînant ses troupes à la dure. Un bataillon qu'il avait lui-même baptisé les Jeunes Pousses.
Gentiment assise à quelques mètres de là, la langue pendante, la chienne le regardait aller et venir. De fait, la journée était chaude. Pour l'heure, il l'appelait Velvet car la plupart refusaient purement et simplement de l'appeler Bouchère. Quand il aurait une meilleure idée, il la rebaptiserait.

En première ligne de la section se trouvait Shōyō, Tobio, Yo-Yo, et puis Zohra accompagnée comme il se doit par son petit frère la Grenouille. Ensuite Arthur, Wiki et Kunimi. Derrière eux se tenaient d'autres petits venant d'Holloway ainsi qu'une bonne partie des jeunes enfants du musée. En tout, ils étaient vingt et, comme soldats, ils étaient tous nuls. Kunimi était sans doute le pire. Il n'était capable de rien, pas plus de marcher au pas que de s'entraîner au combat, ni même de rester en place. Il n'arrêtait pas de déambuler, de se balader, de s'asseoir. Au début, Tadashi s'était mis très en colère contre lui et il l'avait violemment invectivé. Mais une fois qu'il s'était rendu compte que tous ses efforts resteraient vains et que rien de ce qu'il pourrait dire ou faire n'amènerait Kunimi à caler son pas sur celui des autres, il avait pris le parti de l'ignorer.

À l'inverse, Tobio était sans doute le plus motivé, ce qui n'en faisait pas pour autant un bon élément. Il comprenait tout de travers, faisait tout à l'envers et, plus il y mettait du sien, plus il s'appliquait, moins il y arrivait. Tadashi l'ignorait lui aussi. Le problème c'est que Tadashi ne savait pas exactement ce que lui-même faisait. Il feignait de donner des ordres alors qu'en fait il se contentait de répéter sans les comprendre des mots et des expressions entendus dans des films de guerre ou des jeux. Or, comme il ignorait ce que signifiaient la plupart des ordres et qu'il oubliait au fur et à mesure quel sens il leur avait donné de base, la même consigne finissait par désigner deux choses radicalement différentes. Il espérait seulement que ses recrues ne s'en apercevraient pas.
Il les faisait marcher en leur braillant des trucs comme : « En colonne par deux, bitos » ; « Présentez... arme » ; « Section en couverture » ; « Bizut, ça va chier pour ton matricule » ; « À vos rangs, fixe ! »

- On pourrait pas juste se battre ? demanda Shōyō à l'occasion d'une pause. Marcher au pas, c'est chiant... et puis ça sert à rien. À quoi ça rime qu'on sache défiler en rang serré ? Ou qu'on sache mettre la lance à l'épaule tous en même temps ? C'est pas ça qui va nous faire gagner la bataille.

- Tout est une question de discipline, soldat, répondit Tadashi. Vous devez apprendre à exécuter les ordres sans réfléchir. Faut que ça devienne automatique.

- Mais si un adulte m'attaque, j'vais pas attendre de recevoir un ordre pour me défendre. Je vais le faire, un point c'est tout. De toute façon, les ordres n'ont aucun sens. À gauche... gauche ! Section... halte ! Fixe ! Ce qu'y faut c'est qu'on apprenne à se servir de nos armes.

- Eh bien d'accord. On va faire ça. On reprendra les exercices militaires demain.

- Demain ? dit Wiki. Tu veux dire qu'on va devoir faire ça tous les jours ?

ENEMY Tome 5 : La fin Où les histoires vivent. Découvrez maintenant