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- Depuis combien de temps elle est comme ça ?

- À peu près une heure, peut-être plus.

- T'aurais pas pu me prévenir avant ?

- Je voulais attendre de voir si c'était sérieux, répondit Geta, penaude.

- Regarde-la ! Qu'est-ce qui te faut de plus ? grogna Einstein en désignant la mère qu'ils avaient capturée et qui se tortillait sur le plancher du camion que les enfants du musée utilisaient comme cage.

  Elle se contorsionnait en hurlant comme si quelque chose de toxique, à l'intérieur d'elle, luttait pour sortir. Des filets de bile brunâtre coulaient de sa bouche. Elle n'arrêtait pas de tousser et de cracher de grosses glaires grises. La pestilence qui montait de son corps était pire que la puanteur habituelle des adultes. Ses yeux avaient pris une inquiétante couleur jaune.
  Akaashi se tenait sur le parking en compagnie de Lettis quand il avait entendu les cris provenant du camion. Lettis donnait à manger aux volailles. Elle aimait bien s'occuper d'autres créatures. Ça semblait la calmer et lui faire oublier ses problèmes. Parfois, elle se débrouillait pour attraper une poule et elle la cajolait comme s'il s'agissait d'un chaton. Si elle la tenait assez fermement et qu'elle la caressait, celle-ci cessait de se débattre et semblait s'abandonner à une certaine quiétude.

  Lettis avait paru effrayée et épouvantée quand elle avait entendu la mère hurler en se tordant de douleur. Elle avait lâché d'un coup le volatile qu'elle tenait dans ses bras et s'était réfugiée près d'Akaashi, se cramponnant à sa chemise. Par chance, d'autres enfants avaient proposé de s'occuper d'elle tandis qu'Akaashi lui assurait qu'il ne s'éloignerait pas. Près du camion, il avait trouvé une grappe d'enfants, pour l'essentiel les blouses blanches qui travaillaient dans les labos d'Einstein, plus un ou deux gamins d'Holloway ainsi que les Biscornus, Poisson-Face et Skinner, qui se tenaient au dernier rang, l'air anxieux. Einstein interrogea Geta, une des enfants chargée de veiller sur la mère.

- Que se passe-t-il ? demanda Akaashi en grimpant dans le camion. Elle est en train de mourir ?

- J'espère que non, répondit Einstein. On lui a fait une injection il y a quelques heures.

- Une injection ? Tu plaisantes. Avec quoi ?

- Le premier lot de sérum qu'on a réussi à mettre au point.

- Du sérum ?

- Sérum, antidote, médicament, élixir, protocole thérapeutique, potion magique, poudre de perlimpinpin, appelle ça comme tu veux... On l'a élaboré à partir des échantillons de sang prélevés sur Shōyō.

- Ben dis donc, vous y êtes pas allés de main morte, dit Akaashi tandis que la mère poussait des cris stridents en s'arc-boutant si fort qu'on avait l'impression qu'elle allait se casser en deux. Ça passe ou ça casse, c'est ça ?

- Tu crois pas si bien dire. En fait, c'est comme un tir dans le noir. Évidemment, je préférerais soigner que tuer. Le Green Man a essayer de nous aider. Le problème, c'est qu'on ne comprend pas la moitié de ce qu'il dit. Par contre, si ça marche, ne serait-ce qu'un peu, on pourra lui administrer le remède. Si on arrivait à lui éclaircir les idées, il pourrait nous donner un sacré coup de pouce.

- C'est votre meilleur espoir, dit Akaashi. Si vous le tuez vous serez bien avancés !

- C'est sûr. C'est pour ça que j'aimerais pouvoir continuer à me servir d'elle comme cobaye, le temps de peaufiner le traitement.

- Eh ben, bonne chance, dit Akaashi. Parce que, moi, elle me parait bien mal en point.

  Poisson-Face marmonna quelque chose d'incompréhensible, puis elle tourna les talons et s'en retourna vers les bâtiments du musée. La mère ouvrit grand les yeux et jeta un regard craintif aux enfants. Elle était attachée à la paroi du camion par deux chaînes, une au cou et une à la cheville. Ses mains étaient menottées devant elle.

ENEMY Tome 5 : La fin Où les histoires vivent. Découvrez maintenant