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Tadashi avait l'impression de mesurer trois mètres de haut. Là, avec tous ces grands, à crier des ordres, à commander ses propres troupes, il se sentait dans la peau d'un officier. Kenji Futakuchi avait même envoyé une gradée, Hayden, pour l'aider à instruire ses apprentis soldats. Certes c'était une fille, mais, bon, ça allait. Elle était cool. Avant, le week-end, Tadashi faisait des entraînements de volley avec un club et il y avait plein de filles comme Hayden pour filer un coup de main. Elle connaissait les vraies manœuvres des parades et quand Tadashi lui avait montré ce que ses troupes étaient déjà capables de faire, il avait bien vu qu'elle était très impressionnée. Elle avait même tapé des mains et crié de joie une fois ou deux. Ils lui avaient tous fait forte impression sauf Kunimi. Il faut dire que Kunimi avait cette fâcheuse tendance à s'arrêter sans crier gare au moment le plus inopportun : en pleine marche, en plein exercice, en pleine position fixe... Il s'arrêtait et s'écartait mollement des autres en énumérant des chiffres à haute voix. Finalement, Hayden lui avait demandé quel était le problème et il lui avait répondu qu'il n'y avait pas de problème, juste qu'il comptait.

- Mais tu comptes quoi ?

- Des trucs.

- Quels trucs ?

- Tout. Les arbres. Les gens. Les barreaux de la grille. Mais surtout les gens. Faut que je sache combien y en a.

- Pourquoi ?

Pour toute réponse, Kunimi avait haussé les épaules.

- Il est incroyable, avait dit Arthur. C'est un savant. Un génie des chiffres. À tous les coups on gagne. Tiens, regarde...

Joignant le geste à la parole, il avait ramassé une poignée de graviers et l'avait lancée sur un carré d'allée bitumée.

- Combien de cailloux, Kunimi ?

Kunimi les avait regardés, tout au plus quelques secondes, avant de répondre :

- Quarante-huit.

- Je t'en prie, avait dit Wiki en invitant Hayden à vérifier.

Kunimi avait raison. Il y avait bien quarante-huit petits cailloux. À l'annonce du résultat, les enfants avaient poussé des hourras, auxquels Kunimi avait répondu par un nouveau haussement d'épaules désabusé. C'était rien pour lui. Perplexe, Hayden l'avait testé sur deux-trois autres choses, histoire de s'assurer que le tour ne relevait pas du hasard. Incroyable. Le petit répondait juste à chaque fois. Ensuite, vint la pause-déjeuner au cours de laquelle Hayden essaya, sans grand succès, d'engager la conversation avec Kunimi. Visiblement, l'as du calcul mental était plus à l'aise avec les chiffres qu'avec les mots.

Après le déjeuner, Hayden dirigea l'entraînement pendant encore une heure ou deux, puis vaqua à d'autres occupations. De son côté, Tadashi commençait à se lasser. Pour être honnête, défiler au pas, c'était un peu chiant. Il aimait bien les simulations de combats, mais c'était ce qui fatiguait le plus. Les enfants n'avaient donc pas la force de les pratiquer bien longtemps. Secrètement, Tadashi espérait que quelqu'un allait bientôt sonner la fin de la journée et qu'il allait pouvoir rentrer au musée pour se reposer. Il jeta un œil autour de lui. Rassemblés par petits groupes, les grands construisaient des défenses ou discutaient stratégie. Peu à peu, une barricade faite de rondins, de branches et de bouts de ferraille sortait de terre. Il sourit. Il était l'un d'eux. Quand la bataille finale éclaterait, ses troupes seraient là et elles prendraient part aux combats, au coude-à-coude avec Bokuto, Jackson et Kuroo.

- Ok, tout le monde, dit-il, la voix légèrement éraillée à force d'avoir crié. On fait une pause. Relax, Max. Tranquille, Mimile.

  Les enfants déposèrent leurs armes avec gratitude et s'écroulèrent dans l'herbe où ils se mirent à discuter entre eux. Tadashi s'assit avec Velvet, Zohra et son petit frère, la Grenouille. La chienne les avait patiemment regardés s'agiter pendant toute la journée. Zohra et la Grenouille étaient aux petits soins pour elle. Ces deux-là ne se quittaient jamais, la sœur pouvant parfois donner l'impression de surprotéger le petit frère, de le couver. Au final, elle pouvait être fière car s'il n'était rien arrivé au petit jusqu'ici, c'était en grande partie grâce à elle.

ENEMY Tome 5 : La fin Où les histoires vivent. Découvrez maintenant