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Le parc était beaucoup plus vaste que Bokuto ne l'avait imaginé. Il était même traversé par une route qui leur offrait une vue panoramique sur les alentours. À quelques encablures sur leur gauche se trouvait la statue délirante d'un type assis sur une chaise géante elle-même installée dans une fusée d'inspiration rétrofuturiste, toute dorée et brillante.

- Le mémorial d'Albert, expliqua Ryan.

- C'est qui, Albert ? demanda Bokuto.

- Aucune idée. Un mec mort.

- Quelqu'un devait le kiffer grave pour édifier un truc pareil.

- C'était le mari de la reine Victoria, dit Tadashi. On est venus ici une fois, avec l'école.

- Tu penses qu'on fera une statue de moi comme ça ? demanda Bokuto.

- Oui, dit Tadashi. En tout cas, on devrait. Tous les héros ont leur statue.

Ils poursuivirent leur marche. Tout paraissait bêtement sûr et paisible. Les oiseaux gazouillaient. Les écureuils s'ébattaient dans les énormes arbres alignés au cordeau dans toutes les directions. Entre les troncs, la pelouse avait tellement poussé qu'elle s'était transformée en un épais tapis de hautes herbes.

- Pourquoi c'est si calme ? demanda Tadashi. C'est bizarre.

- Te plains pas, répondit Bokuto. Si on se débarrasse des adultes une bonne fois pour toutes, ce sera comme ça tous les jours. Un long fleuve tranquille.

- Un jour, dit Tadashi. Un jour, ce sera comme ça.

En attendant, de fait, c'était bizarre. Bokuto n'avait pas connu un tel calme depuis des lustres. Il ne voulait surtout pas le montrer à Tadashi, lui ficher la trouille, mais il était sur le qui-vive.
Ils s'arrêtèrent à la hauteur d'un groupe de bâtiments en briques rouges, en retrait de la route : la Serpentine Gallery, comme l'indiquait le panneau qui se trouvait à l'extérieur. Bokuto avait du mal à comprendre ce qu'une galerie d'art venait faire dans un parc et il était encore plus dérouté par la haute tour de métal rouillé qui s'élevait devant le bâtiment principal. On aurait dit une sorte de cousine dégénérée de la Tour Eiffel ; tordue, bancale et dix fois plus petite.

- J'imagine que c'est de l'art, dit Ryan en voyant que l'objet l'intriguait. Une sorte de sculpture. Tu sais, comme la tour qu'ils ont construite pour les JO.

- Quoi, c'était de l'art ? s'exclama Bokuto. Je croyais que c'était un toboggan.

- Art ou pas, ça fait un bon point d'observation, répondit Ryan en souriant. On y va ?

- Quoi ? Grimper là-haut ?

- Ben oui. C'est important d'avoir une perspective d'ensemble. Voir si on remarque ou pas kekchose.

- Ok, je te suis.

Par le passé, l'accès à la tour était protégé par une clôture. Aujourd'hui, celle-ci était presque entièrement abattue. En outre, quelqu'un avait installé une échelle de manière à faciliter l'ascension des premiers mètres. Ryan entama la grimpette, Bokuto sur ses talons. Petit à petit, le sol s'éloigna et Bokuto put bientôt profiter d'une vue à trois cent soixante degrés sur le parc.
Ce qui le frappait d'abord, c'était la profusion d'arbres. Une vraie forêt, bordée par de hauts immeubles qui se dressaient au loin. Au nord, une vaste étendue d'eau de forme allongée, entre rivière et lac, dessinait une saignée dans le parc, que la route enjambait par un pont.

- La Serpentine, expliqua Ryan. Ça fait une bonne source d'eau potable. C'est pour ça qu'on surveille régulièrement le parc. Tu te souviens des grands concerts en plein air qu'il y avait avant ? Eh ben, ils se déroulaient juste en face, sur la rive opposée. D'ailleurs, y a toujours un paquet de barrières de sécurité, d'estrades et de baraques à frites par là-bas.

ENEMY Tome 5 : La fin Où les histoires vivent. Découvrez maintenant