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- Ouah, Bo', c'est un champion, un prince de sang !

- Dans ce cas, plutôt une princesse, alors, dit Bokuto en riant.

- Comment ça ?

- Ben... c'est une chienne.

- Quoi, ça veut dire qu'elle ne se battra pas ?

Bokuto éclata de rire.

- Certaines filles se battent largement aussi bien que les garçons, Yams. Tu devrais le savoir.

- Ouais. C'est vrai. T'as raison. Donc, pas une princesse. Une reine guerrière !

Bokuto n'aurait su dire pourquoi il avait changé d'avis. La faute à Tadashi, sans doute. Il l'avait tellement tanné que, pour finir, il avait cédé. Mais y avait pas que ça. C'était cette chienne en particulier. Elle avait un truc. D'abord, elle était très bien dressée, pas agressive pour un sou. Et ça, c'était plutôt bien pour Tadashi. Le garçon n'avait pas besoin d'un tueur de plus dans son entourage, ce qu'il lui fallait c'était un ami, une certaine stabilité affective, un sentiment de sécurité, soit précisément ce que ce labrador pouvait lui apporter. Et puis c'était comme si cette chienne leur avait été envoyée par la Providence. Un don des dieux. Et le cadeau que Bokuto avait voulu faire à Tadashi.
Et Dieu sait s'il en était heureux ! Sur la route qui les ramenait au musée, il n'arrêtait pas de jacter, ivre de joie, de chanter les louanges de la chienne. La peur l'avait totalement quitté. De son côté, Bokuto était ravi d'avoir fait une bonne action - et sans que cela n'implique un déchaînement d'hyperviolence.

Avant de partir, Ryan et ses chasseurs avaient nettoyé les lieux. Après avoir sorti les cadavres d'adultes et dressé un bûcher derrière la galerie à l'aide de chaises cassées et de bois mort, ils y avaient mis le feu. Une épaisse fumée porteuse d'une forte odeur de viande grillée n'avait pas tardé à envahir le parc.

- Tu vois, notre vie, c'est ça, confia Ryan en rejoignant Bokuto. On préserve les lieux. On fait en sorte que le parc soit sûr pour que les enfants puissent continuer d'aller y chercher de l'eau. On collecte des trucs utiles. On fait le ménage. Et, en contrepartie, les différents clans nous filent à bouffer, à boire et tout ce dont on peut avoir besoin.

- Bon, à part ceux-là, dit Bokuto, y a pas l'air d'y avoir beaucoup d'adultes dans le coin.

- Tu veux dire, plus maintenant, répondit Ryan. T'aurais dû voir l'autre jour. C'était comme si une armée entière avait balayé la ville. Dieu sait où ils sont passés, tout ceux-là. Mais t'as raison, même si certains jours comme aujourd'hui on en trouve quelques-uns qui se planquent par-ci par-là, j'sais pas du tout où est passé le reste.

- J'aime pas ça, dit Tadashi. Ça fout la trouille. Ils se sont pas volatilisés.

- Parfois, c'est l'impression que ça donne, dit Bokuto. Vous avez jamais ressenti ça ? Juste avant l'orage ? Y a une sorte de pesanteur, d'immobilité.

- Le calme avant la tempête, dit Ryan.

- Ouais, acquiesça Tadashi. C'est tout à fait ça. Le calme avant la tempête.

- Donc, si je te suis bien, poursuivit Ryan, on va bientôt se taper une tempête ?

- Ouais, affirma Bokuto. Ça va chier dans le ventilo.

- Du sang, de la chique et du mollard, renchérit Tadashi d'un ton bravache.

- En attendant, dit Ryan, je me demande bien où ils sont passés, tous...

- Moi, je sais, lui répondit une voix.

Tournant vivement la tête, Bokuto découvrit un jeune debout près de la barrière, au bout de la route. Personne ne l'avait entendu venir. Une véritable apparition. Il avait dû se cacher dans les fourrés ou derrière un arbre. Il était vêtu d'un long manteau gris à capuche, il avait une arbalète à l'épaule et il s'appuyait légèrement sur un long bâton, comme s'il avait mal à la jambe.
Les chasseurs s'immobilisèrent et prirent d'instinct une posture défensive, affichant ouvertement leur méfiance vis-à-vis du nouveau venu.

- On se connaît ? lança Ryan d'une voix hargneuse.

- Non, répondit le garçon. Par contre, vous avez bu ma bière.

- Ta bière ?

- Absolument. C'est avec moi qu'Aone a fait le troc.

- Aaah ! C'était pour toi tous ces carreaux d'arbalète ?

- Exact.

Bokuto savait tout des arrangements qu'Aone avait passés dans le but de se procurer une voiture. Des échanges en cascade qui s'étaient soldés par le départ d'Aone à bord d'un gros monospace bleu et la beuverie de Ryan et ses chasseurs sur les marches du musée. Ryan qui avait donné des carreaux d'arbalète à Aone, qui les avait refilés à ce gars en échange de quelques packs de bière, qu'Aone avait refourgués à Ryan.

- Au fait, y t'en reste ? demanda Ryan. Je veux dire des bières ?

- Ça se pourrait.

- J'ai déjà entendu parler de toi, dit Zulficker. T'es le mec qu'on appelle Nishinoya, non ?

- Vrai ? dit Ryan, impressionné. C'est toi Nishinoya ?

- En personne.

- Ouah, alors là, respect !

- C'est vrai ce qu'on dit, que tu bosses toujours en solo ? demanda Zulficker.

- Dans la mesure du possible.

- Alors comme ça, tu sais où sont allés les adultes ? demanda Bokuto.

- Oui. Je les ai vus. Un peu plus loin au nord. Une armée entière. Qui descend lentement depuis Kilburn. À ce train-là, ils seront ici d'un jour à l'autre et, croyez-moi, ils viennent pas pour nous border le soir.

- Tu m'étonnes, dit Ryan. Mais tu veux quoi, au juste, Nishinoya ?

- Les arrêter.

- Ça, on le veut tous. Concrètement, t'attends quoi de nous ?

- Pourquoi tu pars du principe que j'attends quelque chose de vous ?

- Ben, t'es humain.

- Jusque-là...

- Et puis, tu t'es volontairement découvert, poursuivit Ryan. Ça a dû te coûter de nous suivre incognito pour finalement apparaître ici comme un génie sortie de sa lampe. Tu peux même pas dire que t'es allé promener le chien, vu que t'as pas de chien. Conclusion, même si j'en sais très peu sur toi, je sais que t'as pas fait tout ça pour rien.

- Si vous voulez des bières, je peux vous en avoir.

- Problème, il nous reste plus de carreaux. Tu nous as dévalisés, mec.

- J'ai ce qu'y me faut question munitions.

- Alors de quoi t'as besoin ?

- Vous connaissez un gars qui s'appelle Satori ?

- À Matsumoto ? Ouais, on le connaît.

- Il est là en ce moment ?

- Minute, dit Bokuto. On parle bien du même ? Le type chelou avec un manteau en patchwork ? Celui qu'on appelle tantôt Satori, tantôt Tendō, tantôt Duglandu ? Genre visqueux comme une anguille ? Faux-cul de première ?

- On parle bien du même.

- Il est là, confirma Bokuto. Je le sais puisque c'est nous qui avons sauvé la mise à ce loquedu en l'escortant jusqu'à chez lui.

- Quoi ? Tu fais partie des Holloway ? dit Nishinoya.

- Ouais. Holloway en force !

- Bon, et qu'est-ce que tu lui veux, à Satori ? demanda Ryan.

Un sourire carnassier se dessina sur le visage de Nishinoya.

- Tout ce que je veux, c'est que vous lui passiez un message.

ENEMY Tome 5 : La fin Où les histoires vivent. Découvrez maintenant