- Ça va aller. Ça va aller. Accroche-toi.
Archie Bishop se trouvait au côté d'un des gars qui les avait récemment rejoints. Le mec avait les cheveux noirs et Archie était presque certain qu'il s'appelait Fukunaga. Il n'en savait pas davantage sur lui. Et il n'aurait sans doute jamais l'occasion de combler cette lacune. Ces derniers jours, beaucoup d'enfants avaient rallié le camp de Matt, attirés par la promesse d'une protection divine ou d'un monde meilleur.
La majorité d'entre eux étaient morts.
Fukunaga avait un morceau de clôture fiché dans le corps. Un long bout de bois effilé et hérissé d'échardes. Sous les yeux d'Archie réduit à l'impuissance, une mère le lui avait enfoncé dans le torse avant de poursuive son chemin, comme si de rien n'était.Archie serrait Fukunaga dans ses bras. Il était couvert de sang. Il ignorait combien de temps encore il pourrait tenir. La moitié de ses amis de Saint-Paul avait été tués. Ils avaient bien tenté de se protéger contre le déferlement de crevards, mais ils n'étaient pas assez forts. Les chants religieux et les bannières ne protégeaient pas des griffes, des dents, des bouts de métaux tordus, des pierres et des pieux. Seuls les guerriers les plus aguerris étaient encore debout, ou peut-être ceux qui avaient eu le plus de chance ou qui étaient mieux armés. Ce qui était certain c'est que, dans la confusion et le chaos de la bataille, ils avaient été séparés du corps principal de l'armée de Kenji. Archie ne savait absolument pas ce qui se passait ailleurs. Les enfants étaient-ils en train de gagner ? Ou les crevards les taillaient-ils en pièces ?
- Attaquez-moi ! C'est moi l'élu. Je suis la Némésis ! Attaquez-moi !
Matt hurlait en arpentant le champ de bataille, brandissant haut la toute première bannière qu'ils avaient faite, celle qui montrait l'Agneau et le Bouc - le garçon étincelant et le garçon sombre. Et puis cette fameuse légende, « Angus Day ». Très drôle si ça n'avait pas été aussi tragique. Un peu comme cette journée, en fait.
Matt marchait d'un pas martial entre les crevards qui les entouraient. À son approche, ceux-ci s'écartaient. Aucun ne le touchait. À croire que Matt était environné par un champ de force qui le rendait invisible. Pareil à la matière noire. Archie l'attrapa et le tira vers lui.- Reste avec nous.
- Pourquoi refusent-ils de m'attaquer ? se lamenta Matt.
- Comment veux-tu que je sache ? cria Archie. Mais si tu as le pouvoir de nous protéger, je t'en prie, fais-le !
Les yeux brillants d'une lueur démentielle, Matt agrippa le bras d'Archie et le serra à le broyer.
- Le salut arrive, dit-il. L'Agneau nous envoie ses anges. Les portes du paradis sont ouvertes et là, devant moi, se tiennent deux chevaux blancs montés par deux cavaliers vêtus d'or étincelant. Ils suivent un roi, habillé d'une toge teinte de sang. L'armée des cieux marche dans son sillage, chevauchant des sauterelles qui ressemblent à des chevaux harnachés pour la guerre, et leurs dents sont aussi acérées que les crocs des lions. Elles sont fortes, elles portent des plastrons de fer, et le bruit de leurs ailes est semblable au roulement du tonnerre qui accompagne la charge d'une division de cavalerie.
Archie l'aurait frappé. Il fallait lutter, se battre, et non pas attendre l'arrivée de super-héros célestes.- Tu les entends ! poursuivit Matt. Ils arrivent ! Ils ont entendu notre appel. Les Nephilim ont tué le garçon, mais l'Agneau est vivant ! Ils arrivent. Ne les entends-tu pas ?
Archie n'entendait rien du tout, sinon l'incessant ronflement macabre de la bataille, le sifflement chuintant des crevards, les grognements et les souffles grinçants des enfants épuisés, les râles des mourants. Matt croyait-il réellement qu'un essaim de sauterelles allait venir à leur rescousse ? Des sauterelles, ou des anges, ou des cavaliers auréolés d'or...
- Écoute ! Tu les entends maintenant ?
Archie tendit bêtement l'oreille. Ni ronflement, ni vrombissement, ni battements d'ailes.
- Concentre-toi ! hurla Matt. J'entends les voix de milliers d'anges. Les Nephilim vont être vaincus.
Archie devait le croire. Il n'avait pas le choix. Dans le cas contraire, cela revenait à accepter la défaite, à accepter l'oubli. L'espoir était tout ce qui leur restait. L'espoir et la foi.
L'Agneau allait les sauver.
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ENEMY Tome 5 : La fin
FanfictionNishinoya découvre que l'armée de Saint Georges se dirige vers le cœur de Tokyo. Il doit à tout prix convaincre les enfants de s'unir s'ils veulent survivre : la bataille finale s'annonce sanglante. Personne n'en sortira indemne...