Nic ferma les yeux et prit une profonde inspiration. Un léger spasme secoua sa poitrine, l'empêchant de gonfler ses poumons au maximum. Tout, chez elle, semblait se détraquer. Ses jambes refusaient catégoriquement de bouger. Elle était scotchée au beau milieu de Park Lane. La seule chose qui paraissait fonctionner normalement, c'était sa vessie. Elle avait une furieuse envie de faire pipi.
Je peux y arriver, se persuadait-elle. Je peux apporter quelque chose ! Allez, bouge !
Miracle des miracles, elle se déplaçait bel et bien, traversait la rue, avançait vers le feu de camp telle une phalène filant vers une chandelle, priant pour ne pas rencontrer de crevards en route. Car elle savait pertinemment que si elle en apercevait un seul, même de loin, elle prendrait ses jambes à son cou et retournerait au Dorchester en pleurant comme un bébé.Ici, au niveau de la rue, elle n'y voyait pas grand-chose. D'autant moins que, pour ne pas attirer l'attention, elle avait éteint sa torche et que la frondaison du cordon d'arbres à la lisière du parc masquait la lueur du ciel nocturne. S'armant de courage, elle avançait à pas prudents en longeant la grille, et bientôt elle aperçut une porte. Et aussi des gens.
Dieu tout-puissant, faites que ce soit des enfants...
Elle distingua bientôt, obstinément tournés vers elle, des visages dont la pâleur tranchait dans la nuit. Il s'agissait bien d'enfants, même s'ils ne faisaient à l'évidence pas partie du contingent du palais. Sans doute des gars de Yūji. Ceux qui vivaient dans les ordures et la misère, là-bas, à Saint-James Park. Ils la regardaient sans rien dire, les yeux morts, totalement impassibles.
Or, s'il y avait bien une chose qui n'intimidait pas Nic, c'étaient les enfants. Elle parvenait toujours à se débrouiller avec eux, si crasseux et patibulaires soient-ils.- Ss'tu veux ? lui demanda l'un d'eux avec un coup de menton.
- Parler à Ushijima.
- On nous a dit de laisser entrer personne. Donc on laisse entrer personne.
- À ton avis, je ressemble à une crevarde ? répliqua Nic en lui riant au nez. Mon nom est Nic. Je suis une amie d'Ushijima. Je veux lui parler.
- On a reçu l'ordre de laisser entrer personne, répéta le garçon, jouissant de son pouvoir.
- Nah, laisse-la entrer, dit l'autre, un type aux gros bras, aux grosses cuisses et au gros cou. Une caillette pareille, ça va être la fête.
Nic le fusilla du regard jusqu'à ce qu'il baisse les yeux.
- Laisse-la passer, dit une fille. Elle est pas dangereuse.
- Merci, dit Nic.
Les garçons s'écartèrent pour la laisser passer, celui avec un gros cou se fendant de quelques commentaires grivois que Nic se garda de relever.
C'était l'endroit du parc qui accueillait autrefois les concerts. Nic y était venue une fois, avec des amis, pour Kasabian. Elle gardait peu de souvenirs de la prestation du groupe, seulement à quel point c'était bondé et comme il était difficile de voir quoi que ce soit.
Ushijima avait édifier son propre petit camp retranché, protégé par une palissade branlante en bois, qui semblait assez fragile pour s'aplatir au premier coup de vent. Elle devait être plus dissuasive qu'efficace.
Il semblait y avoir une sorte de hiérarchie dans le camp. Yūji et ses squatteurs formaient le cercle extérieur, à l'intérieur duquel s'en trouvait un deuxième composé des enfants du palais qui, lui-même, englobait un premier cercle, le plus près du feu, constitué des garçons en blazers rouges armés de fusils. La garde prétorienne d'Ushijima.Quel pauvre type ! Comment pouvait-on avoir une garde prétorienne ?
Elle se fraya un chemin entre les corps vautrés sur le sol. Les commentaires fusaient de partout, les garçons faisant des remarques d'ordre sexuel, les filles glosant sur son allure. Plusieurs d'entre elles se moquèrent de ses cheveux roux.
Il flottait dans l'air une puanteur que masquait en partie la fumée du feu. En regardant au-delà du cercle d'enfants, passé la clôture, elle distinguait la gigantesque masse des adultes. Elle avait vraiment envie de vomir. Ça semblait complètement fou qu'elle puisse être si près de tant de crevards et qu'ils ne cherchent pas à la tuer.
Du moins pas pour l'instant.
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ENEMY Tome 5 : La fin
FanfictionNishinoya découvre que l'armée de Saint Georges se dirige vers le cœur de Tokyo. Il doit à tout prix convaincre les enfants de s'unir s'ils veulent survivre : la bataille finale s'annonce sanglante. Personne n'en sortira indemne...