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- Je veux pas te voir Kenji. Je veux pas te parler. Je veux même pas savoir que tu existes.

Bokuto était vautré sur une pile de coussins, dans un coin de la chambre.
Kai ne put s'empêcher de pousser un soupir de dépit. Ça sentait le renfermé et la transpiration là-dedans. Avant, c'était sa chambre, mais Bokuto l'avait fichu dehors et Kai n'était pas de taille à se bastonner avec lui. La fenêtre était fermée, les rideaux tirés, la pièce plongée dans la pénombre. Bokuto jouait avec le chat de Skinner, traînant un bout de ficelle sur le sol que la minette tentait maladroitement d'attraper.

- Oui, eh bien, j'existe, dit Kenji. Passe à autre chose.

- S'il ne tenait qu'à moi, crois-moi, tu n'existerais pas.

Kenji était venu trouvé Kai pour qu'il organise la rencontre. Celui-ci restait à l'écart de la discussion, on nageait en pleine joute macho et il n'avait jamais été friand de ce genre d'exercice. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était éviter qu'ils s'entre-tuent.

- Tu penses que tu pourrais m'avoir ? dit Kenji, sans regarder Bokuto, sans rien regarder du tout d'ailleurs.

- Je ne t'ai jamais vu te battre, répondit ce dernier en le jaugeant du coin de l'œil.

- Je sais que t'es bon. Ta réputation n'est plus à faire. Je ne suis pas venu ici pour te défier au combat, mais pour m'excuser.

Bokuto eut un petit rire moqueur.

- Toi ? C'est un canular ou quoi ?

- Non. C'est tout à fait sincère. Je suis désolé.

- Vraiment ?

- Comme je te le dis.

Bokuto avait toujours les yeux fixés sur Kenji qui lui tournait le dos. Pourtant, il les avait tous les deux à sa main. Kai ne savait pas comment il se débrouillait pour faire ça : vous faire baisser les yeux sans vous regarder. C'était un don. Il fixait le sol, le mur ou rien et c'était encore plus efficace que s'il vous avait regardé droit dans les yeux.

- Ce que j'ai fait, dit Kenji, autant que la manière, est misérable.

- Je te le fais pas dire, quatre z'yeux.

- Si seulement, soupira Kenji.

- Quoi ?

- Si seulement j'avais quatre yeux. Hélas, je n'en ai que deux et, en plus, bien mal en point.

- Tu parles d'un scoop, dit Bokuto. On t'a jamais vu sans tes lunettes.

Kenji émit un petit bruit de bouche en aspirant de l'air entre ses dents. Croyant sans doute que cela lui était destiné, le chat s'approcha de lui et Kenji s'écarta de deux pas. Il n'aimait pas trop les chats.

- Non, ça va bien au-delà. Et ça explique en partie ce que j'ai fait. Je vais te dire quelque chose que je n'ai encore jamais dit à personne, du moins, pas directement. Pour te prouver que je suis sincère quand je dis que je suis désolé, je vais ôter mon armure et me montrer tel que je suis, sans fard.

- T'as l'intention de te justifier ?

- Pas du tout. Je suis d'accord pour dire que j'ai mal agi. Mais je vais tenter d'expliquer pourquoi j'ai pris les choses par le mauvais bout et, de là, profondément blessé plusieurs personnes. Je n'ai jamais eu l'intention de te manquer de respect. C'était vraiment pas l'idée. Je n'avais tout simplement pas compris ce que cette chienne représentait pour toi. J'ignorais que c'était pour toi un tel motif de fierté.

- Tu ne serais pas en train de m'insulter, là ?

- Je ne fais qu'énoncer un fait. Le contestes-tu ?

- Non.

ENEMY Tome 5 : La fin Où les histoires vivent. Découvrez maintenant