ENEMY Tome 5 : La fin

16.

- Si je vous ai réunis, c'est pour une bonne raison, déclara Satori en balayant du regard l'assemblée d'enfants. Je voulais que vous soyez tous là pour entendre le récit de ce que Nishinoya m'a montré...

Yukie ne se sentait pas à sa place. Le faste des lieux l'oppressait. Elle n'avait jamais imaginé à quel point l'intérieur du Parlement était pompeux. Bien sûr, comme tout le monde, elle l'avait vu à la télévision, à l'occasion de débats aux Communes retransmis par les JT : les sempiternelles images de députés des deux bords lancés dans des polémiques auxquelles elle ne comprenait pas grand-chose. Mais la télé tournait rarement ses caméras sur le reste du bâtiment qui, en fait, n'était rien de moins qu'un palais.
Pour l'heure, ils étaient rassemblés dans la grande salle où les dignitaires du royaume se réunissaient - le nom parlait de lui-même : la Chambre des lords. Au fond se dressait un énorme trône doré de part et d'autre duquel s'élevaient plusieurs rangées de banquettes rouges se faisant face. Des panneaux de bois lourdement ouvragés ornaient les murs, la lumière filtrait du dehors par de hautes fenêtres en ogive garnies de vitraux. Des niches abritaient des statues. D'immenses tableaux recouvraient les murs et des lustres magnifiques pendaient du plafond. Pour faire court, l'endroit évoquait un croisement entre une cathédrale et une salle du trône.

Un trône pour l'heure occupé par Nic. À son arrivée, la fille s'était présentée en tant que Premier ministre, ce que Yukie avait pris pour une boutade. Apparemment, ce n'en était pas une, quand bien même Yukie ne se souvenait pas d'avoir jamais voté pour elle. Nic avait de longs cheveux roux et c'était le genre de fille intelligente et pleine d'assurance qui faisait se sentir Yukie stupide et nulle. Elle n'était pas mécontente d'être accompagnée par Kuroo, qui ne s'en laissait pas plus conter par les discours ronflants que par les fastes décorum.
Nic se leva une nouvelle fois. C'était elle qui conduisait le meeting en usant et en abusant d'un langage faussement adulte.

- Merci, Satori, dit-elle. Il y a beaucoup de points à débattre. Mais avant de nous y atteler, j'aimerais dire quelques mots...

Se penchant vers Yukie, Kuroo lui glissa à l'oreille :

- Si tu voulais, tu pourrais tous les descendre en moins de dix secondes. C'est de la pure bouffonnerie.

Yukie devait reconnaître qu'elle-même avait du mal à prendre tout cela au sérieux - le décor extravagant, les titres que chacun se donnait, l'idée même que quelqu'un puisse se prétendre Premier ministre... En revanche, ce qu'elle prenait au sérieux, c'était le sujet de la discussion.
Une armée d'adultes.
Elle ne savait pas si elle devait se réjouir ou se recroqueviller de terreur. Il faut dire que l'idée était hallucinante, surtout après la description saisissante qu'en avait fait Satori : le nombre d'adultes présents, leur organisation... À côté de ça, l'évocation d'une possible victoire définitive des enfants avait allumé en elle une infime lueur d'espoir.

Satori s'était arrangé pour que la plupart des clans basés à Tokyo soient présents ou représentés. Ainsi Ushijima était-il là, accompagné d'une délégation d'enfants de Matsumoto. Yukie reconnaissait Taichi, le responsable de la sécurité ; Yui, la jardinière en chef ; et Azumane, qui dirigeait l'infirmerie. Ils étaient assis à l'écart, entourés de blazers rouges, les membres de la garde prétorienne d'Ushijima. Yukie, Kuroo, Kenma, Jackson et Bokuto avaient fait le chemin depuis le musée afin d'escorter Kai et Einstein. Yukie avait tenté de persuader Akaashi de se joindre à eux, mais celui-ci avait répondu que la petite Lettis était encore trop faible pour s'aventurer dehors et qu'il ne pouvait pas la laisser seule. Shigeru et Finn, deux copains d'Aone, étaient également du voyage. En l'absence d'Aone, parti à l'ouest de la ville pour rechercher Natsu, ils représentaient les enfants de la tour de Tokyo, étant entendu que personne n'avait montré beaucoup d'entrain pour traverser les bad-lands et informer les enfants de là-bas de ce qui se passait ici.