Yukie n'arrivait pas à détacher son regard d'Absinthe. C'était plus fort qu'elle. Il était juste trop bizarre, avec son épais tapis de moisissures vertes qui, des pieds à la tête, lui faisait comme une fourrure. Pour tout vêtements, il portait une vieille couverture lâchement nouée autour de lui ainsi qu'un stupide chapeau melon vert pomme d'où dépassaient de longs cheveux filasse. Il avait des yeux très clairs et quand ils se posaient sur vous, vous le sentiez. De tout évidence, il vous considérait comme moins que rien, quantité négligeable, minuscule crotte, quand bien même son odeur à lui était une abjection. Il avait d'interminables ongles jaunes qu'il aimait entrechoquer pour produire de petits bruits secs. Kai, l'administrateur du musée, lui avait demandé plusieurs fois de les couper - tout le monde le lui avait demandé - mais il s'y refusait. D'ailleurs, de manière générale, il ne se montrait guère coopératif. Pour l'heure, il se tenait assis, les coudes sur les genoux, et pianotait négligemment en faisant tinter ses ongles. Clic-clic-clac. Bien que le bruit lui mît les nerfs en pelote, Yukie n'osait pas lui demander d'arrêter de peur d'avoir à affronter son regard reptilien et larmoyant. Ainsi restait-elle à distance prudente. D'autant que, jusqu'à preuve du contraire, c'était un adulte et que, depuis un an, les enfants avaient appris à se méfier d'eux. Au point de tuer sans sommation tous ceux qu'ils croisaient. À leur décharge, l'alternative revenait soit à buter celui que vous aviez devant vous, soit à courir le risque qu'il vous bouffe. Alors certes, on pouvait avoir une conversation avec celui-là, mais il n'en était pas moins adulte et, à ce titre, porteur de la maladie. Conclusion, on ne pouvait pas lui faire confiance et il n'était pas autorisé à se déplacer sans l'escorte d'un garde armé.
Jusqu'ici, il s'était bien tenu. Il n'avait attaqué personne.
Toutefois, ce n'était pas la négligence qui avait permis à ces enfants de survivre jusqu'ici. Aussi tenaient-ils Absinthe sous bonne garde. Yukie, Kuroo ainsi qu'un gars aux cheveux noirs nommé Fukunaga, qu'ils avaient récupéré à Matsumoto, y veillaient. Yukie avait son katana à côté, coupant comme un rasoir. Qu'Absinthe essaie de leur faire un coup fourré, et ce serait la course entre Kuroo et elle pour savoir qui l'étriperait le premier.
L'endroit du musée qu'Absinthe préférait, c'était le centre Darwin, dans la zone orange. Il s'agissait d'une extension moderne du bâtiment principal abritant plusieurs laboratoires. Un geek qui en connaissait un rayon en sciences, surnommé Einstein, comme il se doit, dirigeait l'endroit. Yukie n'aimait pas beaucoup Einstein, mais elle devait admettre que c'était sans doute le gamin le plus savant et le plus vif d'esprit qu'elle avait jamais rencontré. Assisté par un collectif de grosses têtes, il cherchait à percer les mystères de la maladie qui s'était abattue sur le pays afin de pouvoir, le cas échéant, développer un médicament capable de la combattre.Absinthe, de son vrai nom Mark Abbezzatti, était de la partie. Apparemment, avant d'attraper la maladie, il travaillait comme biologiste dans un laboratoire appelé Promithios. Dans ses rares moments de lucidité, il était capable de décrire ses travaux de manière à peu près cohérente à Einstein. Yukie, pour qui adulte rimait jusqu'ici avec attardé mental même pas foutu d'essuyer le filet de bave qui lui pend aux lèvres, avait eu un choc en découvrant qu'Absinthe pouvait non seulement parler, mais aussi penser et apparaître presque sain d'esprit pendant de brefs laps de temps. Enfin, sain d'esprit, fallait le dire vite - marbré aurait été plus proche de la réalité - mais au moins était-il en mesure de communiquer.
Donc il était là, au labo, à jouer les scientifiques. Surréaliste. Pour l'heure, il était plongé dans une intense discussion avec Einstein. Yukie ne comprenait pas grand-chose à la teneur de leur échange, mais, de ce qu'elle pouvait en juger, Einstein était lui aussi dans le flou. Ce qui sortait de la bouche du Green Man était du pur charabia. Pourtant, au milieu de ce flot d'inepties, se cachaient des données concrètes concernant la maladie... pour peu qu'Einstein réussisse à les identifier et à les isoler. Une phrase revenait à tout bout de champ : « Le bon sang va chasser le mauvais. »
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ENEMY Tome 5 : La fin
FanficNishinoya découvre que l'armée de Saint Georges se dirige vers le cœur de Tokyo. Il doit à tout prix convaincre les enfants de s'unir s'ils veulent survivre : la bataille finale s'annonce sanglante. Personne n'en sortira indemne...