ENEMY Tome 5 : La fin

66.

Les chiens de Ryan ne tenaient pas en place. La proximité de tous ces crevards les rendait fous. Il faut dire que, même au nez d'un Ryan qui, Dieu merci, possédait un piètre odorat, ils puaient leur compte. Au moins un petit avantage dans ce monde en pleine décomposition. Mais si lui les sentait, qu'est-ce que ça devait être pour les chiens ? D'autant qu'à la pestilence il fallait ajouter les mauvaises ondes qu'émettaient les adultes.
Ryan roula les épaules, puis fit quelques mouvements de rotation en laissant pendre ses bras. La température avait sérieusement chuté durant la nuit et la fraîcheur matinale n'était pas encore dissipée. Il aurait bien aimé aller se mettre au soleil, pour se réchauffer, mais il restait prudemment dans l'ombre afin de ne pas être vu.

Où diable était Nic ?
Ils allaient devoir bouger, et elle n'était toujours pas revenue. En partant, elle avait pourtant dit qu'elle n'en avait pas pour longtemps, mais la nuit était passée sans qu'elle reparaisse. Il aimait bien Nic. Elle avait toujours été cool avec lui, c'est-à-dire franche et réglo, et, au fil du temps, ils avaient développé une forte relation, basée sur l'entraide mutuelle. Ryan n'aurait pu nier qu'il lui arrivait également de penser à elle sur un plan plus intime, toutefois il savait qu'ils ne jouaient pas dans la même cour.

- On attend encore ? demanda Don.

- Deux minutes. Faut au moins qu'on parle à quelqu'un de chez Ushijima.

- Pourquoi pas à eux ? répondit Dom en haussant le menton vers Park Lane où deux squatteurs du camp de Yūji déambulaient d'un pas nonchalant.

Ils rentraient chez eux. Ryan se demanda combien d'autres quittaient le champ de bataille et prenaient la tangente. Tapis dans l'ombre, ils attendirent que les deux garçons passent à leur hauteur pour bondir.

- Haut les mains, c'est un hold-up !

Terrorisés par le chien de Ryan, les deux squatteurs ne firent même pas mine de se défendre.

- Je rigole, cousin. Tout ce qu'on veut c'est des infos.

- Ah ouais ? répondit un des squatteurs sans détacher son regard du chien.

L'animal, pour sa part, ne quittait pas non plus le garçon des yeux. Il n'avait pas encore été nourri ce matin.

- Vous étiez avec Ushijima et les autres cette nuit ?

- Ouais, répondit le squatteur.

- T'as pas vu une fille ?

- Tu m'étonnes. Plusieurs, même.

Ryan le regarda droit dans les yeux, assez durement pour lui faire ravaler son humour troupier.

- Je veux parler d'une fille en particulier, dit-il. Nic. Grande. Rousse. C'est elle qui est chargée du Parlement. Elle est venue pour engager des pourparlers avec Ushijima.

- Exact, acquiesça le garçon en hochant la tête. Elle est morte.

- Quoi ? se récria Ryan, incrédule. Qu'est-ce que tu racontes ?

- La vérité. Elle est morte. Si j'ai bien compris, elle s'est pris la tête avec Ushijima. J'ai pas raison, mon frère ?

L'autre garçon opina du bonnet avant d'ajouter :

- Ushijima lui a tiré dans le dos. Bang. Et puis il a demandé à l'un de ses gars d'emmener le corps. Ils l'ont donné aux crevards. Pour faire disparaître les preuves, je suppose.

Ryan entendait sans entendre. Comprenait sans comprendre. Il était à la fois ici et ailleurs.
Il avait beau en saisir les mots, les phrases n'avaient aucun sens. C'était lui qui l'avait accompagnée ici. Il était responsable d'elle.