Chapitre 27 Luisa 3/3

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— Il n'y a rien à dire. Il me rend responsable d'une chose, alors que je n'y suis pour rien. Même, si je me sens terriblement coupable.

Je ne comprends rien à ce qu'il vient d'énoncer. Il est fautif ou pas ? Et de quoi au juste ? C'est moi, ou il n'est pas très clair ?

— Coupable ? Comment peut-on être responsable d'une chose, si on ne l'a pas commise ? demandé-je déboussolée.

— Je ne me suis aperçu de rien, et Fabio non plus.

— Vous n'avez pas vu quoi ?

— Que sa sœur était devenue anorexique, du moins c'est ce que nous pensons. Il n'admet pas que sa sœurette faisait tout, pour nous cacher tous ses kilos perdus. Elle portait des vêtements de plus en plus larges. Nous pensions qu'elle voulait changer de style, mais en réalité elle se camouflait.

— La sœur de Fabio ? sorté-je stupéfaite par ses dires.

L'homme qui se trouve devant moi devient livide. Je le voyais se décomposer au fil des mots qu'il prononçait. Et j'en rajoute, jamais satisfaite. Monsieur Monteiro a peut-être raison me concernant, je devrais apprendre à me taire.

Il hoche la tête et ajoute avec la voix brisée :

— Mais si vous le voulez bien, j'aimerais qu'on parle d'autre chose ?

Maintenant, c'est moi qui secoue la tête de bas en haut avec la bouche grande ouverte. Je suis toujours abasourdie par ce que je viens d'apprendre. Fabio a une sœur ? Je comprends mieux pourquoi tout le monde à l'air d'être affecté. Ils ne se sont pas rendus compte de sa maladie, donc ils se sentent fautifs. Et Fabio, en plus de se sentir coupable de la santé de sa frangine, il en impute également la responsabilité aux autres.

Mais une question reste en suspens : où est passée cette fille ? Est-elle internée quelque part ? Est-elle devenue folle à lier ? Est-elle... Non ! Je refuse de penser un truc pareil. Elle ne peut pas être décédée. Non ! Ça serait horrible ! Maria serait sens dessus dessous. Non ! Elle est sûrement partie ailleurs, loin des tourments de sa vie. Vivre auprès d'un frère aussi infernal, ne doit pas être de tout repos.

Quoi qu'il en soit, je ne connaîtrais pas la réponse ce soir.

Je refuse d'aborder de nouveau le sujet avec Manu, il semble souffrir de cette situation. Je ne parviens pas à saisir son implication dans cette crise familiale. Comment aurait-il pu le voir ? Il était le copain de Fabio, pas de sa sœur ? A moins qu'ils étaient tous amis... une bande de potes. Tant de questions sans réponses. Je vais devenir chèvre, à tant cogiter.

Le serveur nous sert nos plats et s'éclipse aussitôt.

Il faut que je me reprenne. Je dois me concentrer sur ce bel homme en face de moi, et non sur mon abruti de voisin, ou sa sœur qui s'est volatilisée je ne sais où.

— Que fais-tu dans la vie ? lui demandé-je pour relancer la conversation, oubliant les bonnes manières. Pardon ! Que faites-vous dans la vie ?

Toute cette histoire m'embrouille l'esprit. Elle ne peut pas prendre le dessus. Je dois garder la tête sur les épaules et ne plus réfléchir à ce tunnel sans fin.

— On pourrait se tutoyer ? me tend-il la main tout sourire après ma maladresse mal placée.

Si je voulais dîner avec lui, ce n'était pas uniquement pour en savoir plus sur le pâtissier du quartier, non, c'est également pour le connaître davantage. Et je peux dire avec certitude que j'apprécie profondément la personne que je découvre derrière ce regard émeraude.

L'appart du Troisième (nouvelle version)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant