Chapitre 31 Luisa 3/3

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Ok ! Je réplique. Mais uniquement car il m'attaque. Il m'est inimaginable de rester muette tandis qu'il me pousse à bout. Cependant, je ne me vois pas continuer à riposter de la sorte quotidiennement. C'est épuisant à force !

— Attendez ! Qu'est-ce que je vous ai fait au juste ? demandé-je un peu contrariée qu'il m'accuse de tous ces maux. C'est vous qui avez débarqué dans mon appartement, comme une furie le jour de mon arrivée, sans me donner d'explications...

— Pourquoi êtes-vous venue vous installer ici, au Portugal ? Vous auriez dû rester en France ! m'assène t-il.

Mais de quoi je me mêle ! Comment ose t-il ? J'ai le droit d'être ici tout comme lui. Je paye mon loyer et je ne dois rien à personne. Et ce pays n'est pas uniquement réservé aux natifs du Portugal à ce que je sache, sinon il y aurait des contrôles aux frontières. Or, j'ai passé les douanes sans que l'on m'arrête. Il a vraiment un culot monstre.

Toutefois, je décide de ne pas m'emporter cette fois-ci. Je préfère être honnête avec lui que plutôt sur la défensive.

— Pour me reconstruire. Je n'y arrivais pas en France.

Espérons que mon changement de comportement vis-à-vis de lui porte ses fruits. Mais quand il ouvre la bouche, je sens mes espoirs voler en éclats.

— Vous n'arriviez plus à quoi ? A embêter le monde ? me dit-il sèchement.

Pourtant, je reste calme.

— A supporter ma vie.

Me confier, lui fera peut-être comprendre qu'il n'est pas seul à se battre contre l'adversité.

Je continue de manger mes pâtes tout comme Fabio sans qu'un mot ne soit prononcé. Puis, alors que je mâche un gros morceau de poulet que j'aurais dû couper en deux, sa voix résonne dans la pièce.

— Vous êtes belle, intelligente, sûre de vous... tout pour avoir une vie de rêve.

Que de compliments ! Je me retiens de sourire. Pour une fois, il n'y a pas une once de méchanceté dans ses propos. Il m'idéalise. Je suis très loin d'être la femme qu'il a décrite.

— Peut-être oui. Mais il y a des événements dans la vie qui changent tout, avoué-je sans rentrer dans les détails.

Je ne pense pas être capable de parler avec lui de mon tragique passé. Une boule se forme dans mon estomac à l'évocation de mon vécu, m'empêchant tout d'un coup d'avaler ce que j'ai dans ma bouche. Avec difficulté et retenant la nausée, je finis pas engloutir le contenu. Il me sera désormais impossible de terminer mon assiette.

Je m'efforce de contenir mes régurgitations en buvant de l'eau et prenant le temps de respirer longuement. Mon voisin ne semble pas percevoir mon mal-être, trop concentrer sur son alimentation.

Quand il relève ses yeux, je fais celle qui va très bien. Je n'ai pas besoin de sa pitié, uniquement de sa compréhension.

— Comme quoi ? me demande t-il subitement prit par la curiosité.

Quant à moi, je reste figée sans savoir quoi faire.

Dois-je lui révéler ma vie ? Comment va-t-il le prendre ? Je ne sais vraiment pas quoi faire... quand les mots sortent tous seuls de ma bouche :

— J'ai été victime d'un accident.

Il est bouche bée pendant quelques secondes, avant de se reprendre et de chercher mon regard des yeux. Il le trouve et reste plonger dedans jusqu'à ce que je le détourne du sien. Je refuse qu'il lise en moi. Il en est parfaitement capable.

— J'ai toujours dit qu'une femme au volant, c'était l'accident assuré ! m'esclaffe t-il brusquement à la figure.

Il n'arrêtera donc jamais d'être cet affreux voisin du second ?

Il mériterait que je lui mette un bon coup de pied là où ça fait mal, pour qu'il apprenne à se taire. Au lieu de cela, je vais lui clouer le bec.

— Ce n'était pas moi qui conduisait, mais mon père.

Il baisse ses paupières. Il semble gêné soudainement.

Et tel un robot, je poursuis :

— Mais le responsable, c'est celui qui venait à toute vitesse dans son engin de malheur, en sens inverse qui nous est rentré dedans... Je suis la seule survivante, du moins, j'essaye de vivre. Mais ce n'est pas facile.

— Vous avez au moins cette chance ! affirme t-il, alors que je tente de récupérer mon souffle.

Puis, l'automate que je suis devenue depuis peu, persiste dans son malheur :

— Une chance ? ironisé-je avant de continuer. J'ai tout perdu, mon père, ma mère et quelques semaines plus tard mon fiancé avec qui j'allais me marier...

— Votre fiancé est mort aussi ? m'interroge t-il me coupant la parole.

Qu'est-ce qu'il lui prend ? Il est insensible au point de se préoccuper que des gars comme lui. Je lui parle de moi, pas du mec qui m'a abandonné. Je ne le pensais pas si égoïste.

— Non ! le rassuré-je. Il s'est comporté comme un malotru, tout comme vous ! Il ne pouvait pas vivre avec une infirme, m'a-t-il avoué.

Il se met à rire à gorge déployée. Ce qui m'énerve au plus grand point, il est trop stupide ! Comment peut-il rire de la détresse des autres ? De ma triste vie ?

Il me met hors de moi. Je n'arrive plus à garder mon calme. J'en peux plus, il faut qu'il sorte d'ici.

— Dehors !

— Mais laissez-moi finir mon assiette ! riposte t-il. Je ne voulais pas vous manquez de respect.

Je lui jette l'assiette à la figure et le traîne jusqu'à la porte avec beaucoup de difficulté. Il faut dire qu'il n'est pas très coopératif.

— Luisa ! Arrêtez ! essaye t-il de m'apaiser. Je suis désolé !

Le mal est fait ! Je suis montée sur ressorts. Quoi qu'il puisse me dire à présent ne changera rien. Il m'a mise dans une rage folle.

— Files de là ! Je t'ouvre mon cœur, ma souffrance, et toi, tu t'en moques ! T'es qu'un salopard ! Dégages !

— Mais je n'ai pas fait exprès ! Écoutes-moi !

Ma patience a des limites. Et il les a largement dépassées.

— Sors ! dis-je en lui ouvrant la porte et le poussant vers la sortie.

— Mais...

Je lui claque la porte au nez, avant même qu'il prononce quoi que ce soit d'autre. Il se prend pour qui ? Sérieusement, il n'a vraiment pas de cœur. Moi, qui croyais qu'en lui dévoilant ma douleur, il irait se livrer, je me suis bien trompée. C'est vraiment un connard de première. Et je pèse mes mots. Comment peut-il être aussi insensible ? Je le déteste ! Oui ! C'est la première fois de ma vie que je hais autant quelqu'un ! Enfin, je crois...




Publié le dimanche 19 novembre 2023

Et voilà ! C'est la fin de ce long chapitre. J'espère qu'il vous a plu ? 

A bientôt pour la suite ! 

Bon dimanche ! 

L'appart du Troisième (nouvelle version)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant