Pourquoi est-il apparu comme par enchantement alors que je venais de descendre ma deuxième valise ? Dieu me déteste t-il ? Il aurait pu faire un petit effort et m'éviter cette énième humiliation. A chaque fois que je tente de le fuir, c'est l'inverse qui se produit. Il y a comme une force inconnue qui nous pousse l'un vers l'autre. J'aimerais savoir d'où elle vient afin de la combattre. Elle est bien plus rusée et coriace que moi. Je doute d'avoir les capacités pour passer outre.
Le plus dur à supporter ce n'était pas sa présence, ni même ses mots, c'était sa façon de me regarder. Ses yeux me troublaient. J'avais l'impression qu'il m'en voulait. Par contre, j'ignore de quoi au juste, de m'être montrée sous mon habit d'Eve ou bien de quitter l'appart du troisième... Tout ce que j'ai ressenti, c'est que je le décevais, alors que je lui offrais tout ce dont il rêvait depuis mon arrivée ici. Je ne comprends plus rien !
Je pensais naïvement qu'en partant, il aurait pu nous donner une chance. J'ai cru jusqu'à deux minutes en arrière que notre obstacle était uniquement basé sur le lieu dans lequel je vivais. Quelle sottise !
Depuis le début, j'ai tout faux avec lui. Je n'arrive pas à le cerner. Et vu comment nous nous disputons à longueur de temps, je considère qu'il est illusoire de songer à y parvenir un jour.
En laissant mon appartement libre, je tourne également la page Fabio. Il est inutile d'espérer qu'il changera pour moi, ou pour quiconque. S'il a été un bon et gentil garçon fut un temps, cette époque est révolue. Maria le connaît mieux que personne. Et elle est bien mieux placée pour savoir de quoi son fils est capable. Selon elle, il ne redeviendra pas ce qu'il était. Inutile d'attendre !
En parlant de Maria, je dois aller lui rendre les clés. J'avais également l'intention de lui remettre le journal de sa fille, mais son fils a pris les devants. Pauvre Maria qui doit supporter un fils comme lui.
Il me reste moins de cinq petites minutes, avant que mon taxi ne débarque. J'entre dans la boutique, Maria m'accueille avec un énorme sourire. Elle va me manquer. Je lui tends les clés de mon appartement, ou devrai-je dire de celui de sa fille, et son visage s'assombrit, avant de se décomposer. Elle s'assoit à une table et croise ses bras.
— Qu'a-t-il fait cette fois-ci ? peste t-elle.
— Rien Maria. C'est ma décision.
— Prends place auprès de moi, me dit-elle en me prenant par la main.
Je me mets à sa table, et la dame en face de moi très déçue par mon annonce me supplie de ses yeux une explication que je m'empresse de lui donner.
— Je sais pourquoi Fabio ne veut personne au troisième, et je suis d'accord avec lui. Par contre, je ne te comprends pas, Maria. Comment peux-tu accepter de louer l'appartement, où a vécu ta fille ?
Mon ton s'est levé malgré moi. Je n'ai aucune envie de lui reprocher quoique ce soit. Je tiens beaucoup à elle. Cependant, j'ai besoin de comprendre, ce que moi j'ai des difficultés à entreprendre.
— Luisa, ma jolie, toi, ainsi que mon fils, vous vous attachez de trop aux biens matériels. Joana était une vraie tornade, une fille pleine d'entrain, joyeuse, aimant la vie... elle s'arrête un instant, reprenant son souffle et retenant ses larmes, puis poursuit : Cet appartement sans âme ne reflète en aucun cas ma fille chérie. Je voulais redonner à ce lieu, un peu de sa gaîté. Dis-moi que tu saisis ? Ne fais pas comme mon garçon.
Je savais Maria forte, mais là, elle dépasse tous mes pronostiques. J'aimerais lui ressembler, et avoir le courage d'avancer, et ne pas vivre dans le passé. Seulement, c'est plus facile à dire qu'à faire. L'absence de mes parents me pèse au quotidien. Et l'idée que je puisse retrouver une partie d'eux dans leur maison m'apaise et me réconforte. Ainsi, j'ai la sensation qu'ils ne sont jamais très loin. C'est peut-être absurde, mais c'est comme ça que je le ressens.
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L'appart du Troisième (nouvelle version)
RomansaQuand l'amour frappe à la porte de Luisa Silva, en la personne de Fabio Monteiro, un homme arrogant, prétentieux et trop sûr de lui, Luisa n'a qu'une idée à l'esprit lui claquer celle-ci au nez. Du moins, c'est ce que sa tête lui dit de faire, mais...