Chapitre 1 Luisa 1/2

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Pour un début d'octobre, il fait plutôt bon. J'ai encore beaucoup de mal à croire que je suis bien là, à Lisbonne, dans le pays de mes origines. Je profite des quelques rayons de soleil sur mon visage pâle pour m'enivrer de la chaleur ambiante.

Je viens à peine de débarquer avec mes grosses valises à la main. Et je dois dire que le dépaysement est total. Je quitte la grisaille et la pollution parisienne pour le ciel bleu et l'odeur de l'océan lusitanien. Rien ne pourrait me faire plus de bien. J'en avais grand besoin. Si seulement je n'étais pas aussi têtue, j'en aurais bénéficié bien avant aujourd'hui. Mais on ne se refait pas.

J'attends sagement dans la file d'attente à l'aéroport, mon tour pour prendre un taxi. Le cortège de voitures est impressionnant, mais je dois dire, que le nombre de personne devant moi est ahurissant. Je ne sais pas combien de temps je vais devoir attendre avant d'avoir le droit de monter dans un véhicule.

Je me demande encore comment mon agent, Stella Meunier, a fait pour me convaincre de partir de Paris, moi, qui était réfractaire à toutes ses propositions pour me faire sortir de ma maison. Si, en réalité je le sais : en me menaçant.

Je n'ai écrit aucune ligne, depuis plus de deux ans, je ne trouve pas l'inspiration. J'ai beau essayer d'observer la vie autour de moi, rien n'y fait, la page reste blanche.

Stella m'a prévenu que si elle n'avait pas une centaine de pages à faire lire à son patron dans les six prochains mois, mon contrat de publication ne serait pas renouvelé. Donc, je n'ai pas le choix, il faut vraiment que je m'y mette.

C'est pour cela qu'elle m'a envoyé ici. Selon elle, j'ai besoin d'évasion, de changements dans mon existence, pour enfin, pouvoir trouver l'inspiration. J'espère de tout cœur qu'elle a raison que je vais bien trouver de quoi écrire dans ce pays.

Pour le moment, j'en ai plus que marre d'attendre un taxi.

Je commence à avoir mal aux pieds avec ces foutues chaussures à talons aiguilles d'à peine quatre centimètres de haut. Je ne suis plus habituée à porter de telles échasses à mes pieds.

Depuis ma sortie de l'hôpital, je ne mets que des baskets, je ne supporte plus de prendre de la hauteur, mais je ne sais pas pourquoi j'ai pris la décision d'enfiler ces machins à mes pieds ce matin. J'ai cru certainement que je pouvais de nouveau redevenir la Luisa d'avant. Quelle ironie ! Je ne saurais plus cette personne, quoiqu'il advienne dans le futur. Une partie de moi est morte à jamais dans ce terrible accident.

Ma jambe gauche me tire de plus en plus. Il faut que je me repose.

Au moment où je pense ces mots, mon membre inférieur lâche et je me retrouve à terre. Je ne sais plus où me mettre. Je suis comme bloquée sans savoir quoi faire, tandis qu'une main se tend vers moi. Je lève mes yeux et j'aperçois un jeune garçon de quinze, seize ans, me demander :

— Vous voulez de l'aide ?

— Oui, merci, dis-je, en très bon portugais, en m'appuyant sur son bras pour me relever.

Mes parents ont tenu à ce que j'apprenne ma langue maternelle quand j'étais enfant, je les remercie de tout cœur, car elle m'est d'un très grand secours aujourd'hui.

Je me retiens avec force à la balustrade afin d'éviter une nouvelle chute. Je ne suis pas venue ici pour me ridiculiser. Je dois me montrer sur mon meilleur jour.

Il n'y a plus que deux personnes devant moi, le jeune garçon qui vient de m'aider avec son père, enfin j'imagine qu'il s'agit de son papa. Il ne s'est pas présenté. Cependant, ils sont très sociables, l'un comme l'autre. Nous avons engagé la conversation. Eux, aussi, viennent de Paris où ils ont passé quelques jours. Nous parlons des endroits que nous apprécions au sein de la capitale française. Pour moi, Montmartre, pour son romantisme et son charme ; pour l'adolescent, rien ne bat la tour Effel et ses six-cent-soixante-quatorze marches à gravir ; et pour le monsieur qui l'accompagne, le quartier latin est l'un des lieux qu'il a préféré visiter pour son histoire et la beauté de ses anciens immeubles toujours debout.

Ce petit interlude m'a fait le plus grand bien. L'espace d'un instant, j'avais oublié ma douleur et le chaos dans lequel je suis plongée depuis quelque temps maintenant. C'est très revigorant de côtoyer de nouveau du monde.

Avant de prendre congé, l'adulte me demande si je suis ici pour affaires ou pour le plaisir, et je leur réponds tout simplement :

— Pour les deux.

Car c'est ce que j'espère. Recommencer une nouvelle vie, c'est ça mon projet. Vais-je réussir ?

Quoi qu'il en soit, je vais tout faire pour.





Publié le vendredi 28 avril 2023

La suite du chapitre demain. 

L'appart du Troisième (nouvelle version)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant