Chapitre 26 Fabio 2/2

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Je rentre chez moi. Je suis épuisé. Je tiens à peine sur mes jambes. La vie qui m'entoure me donne le vertige. Je ne sais pas si c'est la fatigue, mais le soulagement éprouvé plus tôt, s'en est allé. Je me sens vide de l'intérieur. Je me raccroche au sentiment que ma sœur voudrait que je me ressaisisse pour avancer dans cette rue qui respire la joie. Je poursuis mon chemin sans me préoccuper des sons, des rires, des cris qui résonnent comme des boulets de canon en moi. Je me contente de marcher rapidement, pour m'éloigner au plus vite de ce merveilleux enfer.

Je suis presque à destination. Plus que quelques pâtés de maison, et je pourrais m'enfourner dans ma cage d'escalier. Je longe les dernières habitations en direction de mon appartement quand j'entends au loin :

— Fabio ! Attends ! Il faut que je te parle !

Je me retourne et qui je vois ? Un vieux monsieur épuisé de me courir après. Que me veut-il ? J'ai déjà eu ma dose de réprimandes pour aujourd'hui. D'abord ma mère et maintenant Avo. Qu'on me fiche la paix !

Avo est le grand-père de tout le monde ici. C'est une personne très sage. Par son vécu, il est de très bons conseils. Mais dernièrement, je ne peux pas dire qu'il me soit d'une grande aide. Son idée d'avoir convaincu Mama de louer le troisième ne passe pas et qui plus est à cette fille insupportable qui ne sait pas se taire.

— Que se passe t-il ? demandé-je très inquiet, en stoppant ma course.

Il semble dans un piètre état. Je ne voudrais pas être responsable de sa mort à lui aussi. Plus il s'approche et plus je constate qu'il est simplement affaibli par la montée. Il n'est plus très jeune.

— Avo, j'ai des tonnes de choses à faire. Alors, si tu veux bien, je te laisse.

— Il faut que nous parlions tous les deux.

Il est sérieux ? Je n'ai pas la tête à ça. Je voudrais pouvoir vider mon esprit de toutes les pensées négatives. Il est déjà assez encombré.

— Je n'ai pas de temps pour ça.

— Mon garçon, tu vas prendre un petit instant pour discuter avec ton vieil ami. C'est important ! Je sais que tu m'en veux. Mais cette conversation ne peut pas attendre.

Qu'est-ce qu'il a encore à me reprocher ?

— De quoi veux-tu me parler ?

— Je dirais plutôt de qui ?

Non ! Mais... Sérieux ? S'il vient aussi me demander d'être gentil avec ma voisine du dessus, je l'étripe.

Est-ce que pour une fois quelqu'un pourrait être de mon côté ?

— Je t'écoute ? incité-je auprès de lui, voulant au plus vite me débarrasser de ce débat qui s'annonce ennuyeux et barbant.

— Viens t'asseoir là-bas avec moi ? me suggère t-il de le suivre jusqu'à un petit banc dans l'autre flanc de la rue.

Je le suis pas très rassuré et m'assieds à ses côtés. Ce n'est pas son genre de parler de la vie des autres, bien au contraire. Il est le genre de personne à garder tous les secrets qu'on lui confie. Je sais pertinemment que je peux tout lui dire, sans crainte qu'il le révèle un jour. Donc, qu'il veuille qu'on discute de quelqu'un, cela ne me prédit rien de bon...

Et tout d'un coup, je m'inquiète pour ma mère. Ils sont très amis. Je sais qu'ils passent beaucoup de temps ensemble. Se passerait-il quelque chose que j'ignore à son sujet ?

— Alors de qui veux-tu qu'on parle ? le sommé-je de causer.

— De la sublime et délicieuse Luisa !... Non ! Ne fais pas cette tête ! me prévient-il en me voyant faire une mine déconfite. Je sais que ça t'est insupportable qu'elle habite dans l'ancien appartement de ta sœur, mais c'est quelqu'un de bien. Tu ne peux pas continuer à la faire souffrir de la sorte !

Et ce qu'elle me fait endurer, on en discute ? Bien sûr que non ! Il n'y en a que pour cette insupportable bombasse. Moi ? Tout le monde s'en moque !

— Mais... C'est elle qui me provoque ! attesté-je.

Pourquoi tous la prennent pour une sainte ? C'est aberrant ! Elle n'a pas besoin de garde du corps.

Elle est bien plus coriace que je ne le suis ! Elle ne se démonte jamais, pas comme moi, qui parfois me dérobe sous la pression.

— Elle n'a qu'à quitter mon immeuble et elle sera débarrassée du grand méchant loup, lui proposé-je la solution qui réglerait tous nos déboires.

— Fabio ! Luisa est venue dans notre pays pour essayer de se reconstruire après des événements qui lui sont arrivés... Toi, mieux que personne, devrais la comprendre.

Je n'ai aucun envie de comprendre qui que ce soit. Elle part, et le tour est joué. Pourquoi faire tant d'histoires pour un rien du tout ? Ce n'est pas comme si il n'y avait pas d'autres issues.

— Pourquoi ? explosé-je de frustration. Car elle a subit un deuil ? Moi aussi ! l'informé-je contrarié qu'il prenne sa défense et pas la mienne.

— Oui, mais pas que...Tiens !

Il me tend un livre sur lequel est inscrit « Chaos » et me demande très calmement :

— Tu devrais le lire, je pense qu'il pourrait t'aider à aller mieux.

Il croit sincèrement que lire un bouquin pourrait me faire changer d'avis au sujet de ma voisine. Il a carrément pété les plombs ! C'est mal me connaître.

— Mais, il est en français ? protesté-je pour la forme.

— Oui ! Et je sais que tu es trilingue, donc je ne me fais pas de soucis, tu déchiffreras tout ce qui est écrit. Tu n'as pas d'excuses ! Lis le ! exige t-il plus sévèrement.

S'il croit me faire peur ? Il peut se mettre le doigt dans l'œil. Je n'ai aucune envie de lire ce roman. Je feuillette et découvre qu'il contient près de cinq cents pages. Il est fou ! Il croit vraiment que je n'ai rien de mieux à faire de mon temps libre ?

Puis, mes yeux se posent sur l'auteur du livre et je me fige tout en prononçant le nom complet :

— Luisa... Silva... notre Luisa ?

Je suis sous le choc. Je ne m'attendais pas à ça. Pourquoi Avo veut-il que je lise ce manuscrit ?

— La notre, je ne sais pas... Mais celle qui habite au troisième de ton immeuble, oui !

— Façon de parler ! On cause bien de la même personne ? demandé-je confirmation, ne voulant pas croire ce qui se trouve entre mes mains.

— Oui ! m'affirme t-il. C'est son dernier livre, depuis elle n'en a pas écrit d'autre. Elle relate ses mésaventures et je pense que tu vas être surpris par ce que tu vas y découvrir.

Si je le lis...

— Pourquoi ?

— Lis le et on en reparle !

Décidément, il n'est pas très loquace. Il ne me donne même pas un avant goût de ce qui m'attend si je me décide à parcourir les premières pages.

— Ok, si ça peut te faire plaisir, abdiqué-je surtout par curiosité.

Je compte survoler les chapitres plus par intérêt que par plaisir de lire. Je ne vois pas en quoi ce livre peut-il m'aider.

Je doute que qui que ce soit puisse le faire en réalité ? Personne ne me comprend. Alors, c'est difficile de trouver une oreille attentive et compréhensible...

— Bien, à plus tard mon garçon, s'empresse de me laisser Avo en se précipitant dans le café voisin.

Quant à moi, je continue mon chemin jusqu'à chez moi, où je m'allonge sur mon canapé dans l'espoir de trouver le sommeil. 





Publié le samedi 30 septembre 2023

On se retrouve la semaine prochaine avec Luisa et le beau Manu. 

Que va t-il se passer entre ces deux là ? 

Bonne journée ! 

L'appart du Troisième (nouvelle version)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant