Je me suis infligé un petit rituel pour ne pas me laisser périr à petit feu depuis plus de dix-huit mois. Et courir tous les matins en fait partie. C'était ça ou je dépérissais. Le calcul était simple dans mon esprit. Je devais à tout prix avancer, ne plus m'accrocher au passé. Mais en réalité, cela n'a pour objectif que de m'aider à garder la tête hors de l'eau.
J'ai une obligation compulsive d'évacuer le surplus d'émotion, de frustration et de rage qui m'envahit chaque jour sans que je puisse y échapper.
Pour cela, après une nuit chargée, j'enfile mes baskets et je pars arpenter les rues de mon quartier.
Avec la musique d'un ancien temps, mais jamais indémodable, dans les oreilles, je dévale les pentes et les montées comme si j'étais poussé par une force inexplicable.
Au début, lorsque j'ai décidé sur un coup de tête de faire du jogging, j'ai très vite déchanté. Si les descentes étaient à mon niveau de débutant, je ne peux pas en dire autant pour les ascensions. On aurait dit que j'escaladais la Serra da Estrela à pic, tellement ma forme physique était de l'ordre de deux sur dix, voire même de zéro. Mais à force de persévérance, rien ne nous résiste.
Actuellement, j'arrive à sillonner toutes les artères du coin sans broncher. Queen et les Beatles m'aident à poursuivre mon chemin au rythme endiablé de leurs musiques.
C'est avec « We are the champions » résonnant dans mes tympans que je gravis la dernière marche de ma course effrénée de presque deux heures de temps. Je suis remonté telle une pile électrique. Courir cent bornes de plus, ne changerait pas grand-chose à mon humeur du jour. Même Freddie Mercury ne me relève pas le moral.
Je suis dépité et en colère contre moi-même. Je ne parviens pas à contrôler le bouillonnement incessant, qui a pris possession de mon corps, depuis maintenant vingt-quatre heures.
Elle n'aurait jamais dû me cacher une information d'une telle importance. Il est trop tard ! Je n'ai plus que quelques heures pour me faire à l'idée que ma tranquillité est sur le point de voler en éclat. Comment vais-je supporter cette nouvelle intrusion ? Ma mère n'avait pas le droit de me faire subir ça à nouveau. Je suis fatigué de lui répéter qu'il ne faut pas louer l'appart du troisième, mais elle ne m'écoute pas et n'en fait qu'à sa tête. Et maintenant, je suis dans cet état, alors même qu'elle n'a pas encore débarqué.
Je suis épuisé de me battre contre tous.
Quand vais-je retrouver la paix intérieure ? Vais-je la retrouver ? Plus les semaines défilent et plus j'ai l'impression que ce jour n'arrivera jamais.
C'est en marchant et totalement abattu que je regagne mon habitation.
Je parviens sans grande difficulté à l'entrée de mon immeuble, où j'ai la désagréable surprise de voir un inconnu sortir par la grande porte en bois et entrer dans un taxi, côté conducteur. Cela ne peut annoncer qu'une seule chose : ma nouvelle voisine est déjà là, et avec deux heures d'avance.
Je n'ai plus qu'à trouver un moyen pour la faire décamper d'ici au plus vite.
Publié le vendredi 5 mai 2023
La suite du chapitre est prévu pour demain.
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L'appart du Troisième (nouvelle version)
Roman d'amourQuand l'amour frappe à la porte de Luisa Silva, en la personne de Fabio Monteiro, un homme arrogant, prétentieux et trop sûr de lui, Luisa n'a qu'une idée à l'esprit lui claquer celle-ci au nez. Du moins, c'est ce que sa tête lui dit de faire, mais...