Je m'avance avec le cœur lourd vers la pâtisserie. Dès que je franchis la porte d'entrée le sourire de Maria se transforme. Son visage devient tout tristounet. J'ai du mal à contenir mes larmes.
— Non ! Ne pleure pas ! la supplié-je.
— Que puis-je faire pour te convaincre de rester ? me quémande t-elle.
Je me force à sourire et réponds tout simplement :
— Rien ! Il est temps pour moi de rentrer au bercail. J'ai une tonne d'affaires à m'occuper, à trier, et la promotion de mon livre ne va pas se faire toute seule. Je n'ai pas le choix !
En plus de l'édition de mon roman, une affaire familiale me pousse également à retourner à Paris. Le notaire, ainsi que l'avocat en charge de la succession de mes parents veulent me voir de toute urgence. Visiblement, je ne peux plus rester sans rien faire concernant mon héritage. Je vais devoir mettre de l'ordre dans toute cette paperasse.
— Tu reviendras nous voir ?
— Je ne peux rien te promettre, bafouillé-je en regardant la porte qui mène à la cuisine de l'élu de mon cœur.
Une seule personne pourrait me faire revenir, elle se trouve peut-être derrière la maudite porte qui ne s'est jamais ouverte depuis mon départ du troisième.
— Pas de changements ? osé-je demander à Maria tout de même, gardant mes yeux fixés sur ce hublot dont il scrutait les moindres de mes gestes selon les dires de Carla.
Fabio ne m'a plus adressé la parole. Je l'ai à peine croisé. Une fois en vingt-et-un jours d'absence. Il sort rarement. Sa cuisine et son appartement sont les seuls à l'apercevoir. Maria m'a confié qu'il n'est plus que l'ombre de lui-même. Elle ne l'a jamais vu ainsi, hormis à la mort de sa jumelle.
— Il ne dit pas un mot, il se contente de faire son travail et de dormir. C'est tout ! dit-elle avec le cœur serré. Je ne sais pas quoi faire ? Il semble totalement perdu...
— Je suis désolée, Maria ! Je croyais qu'en lisant le journal de sa sœur, il irait mieux. J'avais foi qu'il se sente moins coupable... C'est tout le contraire qui s'est produit. Pardon !
Je regrette au plus profond de moi de lui avoir donné ce maudit journal. J'aurais du, comme je l'avais décidé, l'offrir à Maria. Et elle, seule, aurait choisi de le partager ou non avec son fils.
Aujourd'hui, Fabio paraît avoir fait de gros pas en arrière, alors que sa mère le pensait le mois dernier en meilleure forme, il n'en est plus rien.
Je ne sais pas quoi dire de plus. Je suis fatiguée et sans option.
— Tu ne pouvais pas le savoir.
— Mais...
— Arrête ça, tout de suite ! Ne te sens pas coupable, tu m'entends ? Mon fils est le seul responsable de son malheur, il faut qu'il grandisse un peu.
Je ne peux effacer de ma mémoire son visage blême de la dernière fois. J'ai voulu m'approcher de lui, mais je me suis ravisée. Il semblait complètement ailleurs, dans un autre monde. Je crois même qu'il ne m'a pas vu.
— Désolée ! Je n'ai pas vu le temps passer, nous coupe Carla en entrant dans la boutique, toute essoufflée, et mettant fin à notre conversation.
— Tu arrives à temps, ne t'en fais pas, la rassuré-je.
— J'arrive toujours pas à croire que tu t'en vas, m'annonce t-elle la mine déconfite.
Encore un sourire qui va me manquer. Carla, la fille aux bonnes manières et à ses gaffes légendaires. Cette jeune femme va en faire des jaloux. Je ne m'en fais pas pour elle. Elle sera les amadouée avec son cœur de petite fille. En tout cas, il est hors de question qu'on se perd de vu. C'est dorénavant un membre de ma famille, tout comme tous les gens qui sont dans mon cœur et qui m'accompagneront jusqu'en France.
— Il le faut !
— Non, tu étais venue ici pour passer au moins six mois, et au final, au bout de même pas trois mois, tu t'enfuis comme une voleuse. Sur qui, je vais pouvoir me défouler maintenant ? Tu es la seule à qui je peux tout dire.
Elle me prend dans ses bras et me serre si fort, que j'ai l'impression que mes poumons se compriment en moi. De l'air !
— Tu l'auras pour toi toute seule, lui soufflé-je en apnée.
Elle s'écarte et me laisse enfin respirer.
— Je m'en fiche de lui, c'est toi que je veux ! Tu es ma meilleure amie ! atteste t-elle en faisant la moue.
Elle me brise le cœur.
— Tu peux m'appeler jour et nuit, tenté-je de l'apaiser et moi par la même occasion.
— Oui, mais ce n'est pas pareil.
Je ne le sais que trop bien. Mais c'est le seul moyen pour rester en contact. Je n'en connais pas d'autre.
— Il n'y a pas d'autre choix !
— Si ! Tu fais ce que tu as à faire, puis tu reviens. Promets le moi ? m'exige t-elle.
J'aimerais pouvoir lui promettre, mais moi-même, je ne suis sûre de rien.
— Carla ? Tu ne vois pas que tu la fais souffrir ? Elle reviendra, si le cœur lui en dit, mais tu dois la laisser partir, intervient Maria en ma faveur.
— Mais tu vas me manquer, pleurniche t-elle.
— Toi aussi ma belle. Vous allez toutes les deux me manquer, précisé-je en les prenant dans mes bras.
La porte de la cuisine reste close. J'avais encore l'espoir de le voir surgir, me demandant de rester, mais il n'en est rien.
— Tiens ma jolie, me tend un sac Maria. C'est deux parts de gâteaux au chocolat caramel, m'indique t-elle avant que j'ouvre le paquet.
— Merci ! A bientôt j'espère... dis-je dans une dernière étreinte.
Puis, je me dirige vers la sortie. Si je ne pars pas maintenant, je crois que je ne partirais jamais.
— On s'appelle ? me crie Carla.
— Promis ! dis-je en leur envoyant des bisous.
Et la porte se referme derrière moi. Mes yeux humides laissent couler les perles de larme que je retenais avec force.
Je n'aurais jamais cru qu'il me serait si difficile de quitter cet endroit. Si on m'avait dit qu'en quittant Paris, je trouverais un foyer, une nouvelle famille, je l'aurais fait, il y a bien longtemps.
Le plus difficile reste à venir. Comment vais-je réussir à aller de l'avant sans les avoir à mes côtés ?
Publié le jeudi 18 avril 2024
Le prochaine chapitre est pour bientôt.
Bonne journée !
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L'appart du Troisième (nouvelle version)
RomanceQuand l'amour frappe à la porte de Luisa Silva, en la personne de Fabio Monteiro, un homme arrogant, prétentieux et trop sûr de lui, Luisa n'a qu'une idée à l'esprit lui claquer celle-ci au nez. Du moins, c'est ce que sa tête lui dit de faire, mais...