Je sors du four ma dernière fournée de gâteaux dans cinq minutes, et après je monte me coucher. Je pense que je vais passer toute la journée au lit en pensant à ce qu'aurait pu être ma vie, si Luisa avait tenu ses engagements.
Depuis qu'elle a quitté le dernier étage, je ne sais pas, je rumine dans mon coin, dans l'espoir qu'une explication me saute aux yeux. Visiblement elle n'a pas oublié la nuit dans ma cuisine, elle était si embarrassée lors de notre ultime rencontre qu'elle faisait peine à voir. Qu'est-ce que je dis ? Il n'y avait pas pour moins. Je me serais senti gênée si j'avais été à sa place. Pourquoi ne pas être venue m'expliquer son refus de descendre d'un étage ? Toute justification aurait été mieux que rien du tout. Je la pensais robuste, prête à tout pour exprimer ce qu'elle veut et ressent. Comment ai-je pu me tromper ?
Je finis de ranger ma cuisine, quand je perçois de l'autre côté de la porte une voix, ce son qui me fait vibrer, et que j'ai tant rêvée entendre ses derniers temps. Luisa fait ses adieux à ma mère et Carla.
Il est illusoire de penser qu'elle franchira cette porte qui me sépare d'elle. Elle ne viendra pas ici, dans ce lieu mythique qui lui fait sûrement honte à présent. Je n'aurais pas la chance de lui dire au revoir. Je suis persuadé qu'elle n'a même pas l'envie de me surprendre une dernière fois.
A croire, que c'est moi le méchant dans l'histoire, alors que pour une fois, je n'ai rien fait de mal. Je n'ai rien à me reprocher. Elle aurait probablement préféré que j'abuse d'elle... c'était très tentant à ne pas douter, mais inenvisageable. Je tiens beaucoup trop à elle pour lui faire ce genre de truc foireux.
Cependant, je refuse qu'on se quitte ainsi. Je pose mon plateau sur mon plan de travail, sur lequel repose les mignardises encore chaudes, et je cours à la rencontre de mon ex-voisine du dessus qui vient de faire claquer la porte de ma pâtisserie.
— Luisa ! l'appelé-je.
Elle se retourne, son regard à l'air surpris. Elle se mord la lèvre inférieure, signe que je lui fais toujours autant d'effet, ou plus probable, elle me prend pour un spectre. Ses lèvres bougent doucement et prononcent dans un murmure quasi inaudible mon prénom.
Je ne lui laisse pas le temps de se faire à l'idée que je suis bien vivant et lui sort tant bien que mal une phrase bateau.
— J'ai appris que tu quittais la ville ?
Elle se redresse instantanément et me jauge de ses magnifiques yeux noisette, avant de répondre sans complètement être certaine que je suis réellement face à elle.
— Oui, je rentre à Paris.
Je ne reconnais pas son timbre, il est tout tremblotant. Cela ne lui ressemble pas. Après plus de trois semaines, serait-il possible qu'elle n'ait pas repris tous ses esprits. Pourtant, en m'abandonnant, elle semblait savoir ce qu'elle faisait.
— Tu as l'intention de revenir ?
Sans le vouloir la tonalité de ma voix sonne comme un reproche, pourtant je ne cherche pas à l'accabler, ou à l'accuser de quoi que ce soit. Je n'essaye pas, non plus, de la convaincre de ne jamais revenir, bien au contraire.
Elle me fixe sans savoir quoi me répondre. Sa bouche semble vouloir parler mais aucun son ne retentit. Après plusieurs essais, voici ce qu'elle parvient à bégayer :
— Je ne sais pas... Tout dépend... d'une personne.
Quoi ? Qui ? Elle sort encore avec Manu ?
Je ne peux pas le croire. Il ne disparaîtra jamais de ma vie ? Pas, que je le souhaite réellement, pas après ce que j'ai lu dans le journal de ma soeurette, mais au moins il aurait pu s'abstenir de draguer la femme que j'aime. Et ça, j'ai du mal à le concevoir d'un homme qui se disait être mon meilleur ami, ainsi que le fait que Luisa joue sur les deux tableaux.
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L'appart du Troisième (nouvelle version)
RomanceQuand l'amour frappe à la porte de Luisa Silva, en la personne de Fabio Monteiro, un homme arrogant, prétentieux et trop sûr de lui, Luisa n'a qu'une idée à l'esprit lui claquer celle-ci au nez. Du moins, c'est ce que sa tête lui dit de faire, mais...