Oldric.
Bammon arriva dans la cellule d'un Oldric somnolent. Sans aucune délicatesse, le Xher lui lança une tunique rouge avec des bordures dorées, une ceinture en cuir, ainsi qu'une grande cape.
— Cache ta crinière, puisque tu n'as pas envie de la couper. Il vaut mieux éviter d'être reconnu par qui que ce soit.
La lumière vacillante des torches dansait sur les murs de pierre, projetant deux ombres fugaces le long du couloir des cellules. Au bout de celui-ci, Oldric repéra deux silhouettes. Il jeta un coup d'œil à son instructeur.
— Des licteurs ? Pourquoi faire ?
— Si tout se passe bien, nous n'en aurons pas besoin.
À l'extérieur de la Grande École, des charrettes chargées de marchandises et tirées par des chevaux occupaient toute la largeur de la rue principale. Les piétons devaient zigzaguer entre les carrosses et les autres piétons, cherchant désespérément un espace libre pour avancer. Juste au moment où l'on s'échappait de ces ruelles étroites, on se retrouvait au milieu d'un carrefour où des artistes attiraient l'attention avec leurs acrobaties impressionnantes : l'un jonglait avec des torches enflammées, un autre avec des couteaux, un troisième avec des oriflammes. Un groupe de jeunes avinés passa au galop, toute inhibitions envolées.
— Garde la tête baissée, ordonna Bammon. Empruntons un raccourci par ici.
Debout à l'entrée de la ruelle en question, deux officiers de la légion. Vêtus de lourds manteaux en laine bleue richement teinte, leurs capes traînaient presque jusqu'au sol, leurs cuirasses étaient d'argent, tout comme les clous de leurs bottes. Non sans leur accorder une œillade hostile, Oldric s'écarta puis accéléra le pas. Les légionnaires ne lui prêtèrent aucune attention particulière, mais leur simple vue nouait toujours les tripes. Le nouveau champion, malgré les acclamations qu'il recevait pour ses succès dans l'arène, était constamment poursuivi dans ses cauchemars par des têtes pourrissantes, de Céros à Rüd, en passant par Yorgen et Fadr, ainsi que tous ceux tombés en Estanie.
Bammon lui donna un coup de coude en pointant un mur de pierre sur lequel se peignaient des inscriptions.
— Tu vois ce que cela dit ?
— Tu sais bien que je ne sais pas lire.
— Parce que tu refuses d'apprendre, rétorqua l'instructeur. La pancarte te proclame rêve de jeune fille. Là-bas, il y a une annonce pour les prochains jeux.
Oldric scruta les symboles courbés, espérant y trouver un sens. Les étranges caractères dansaient devant ses yeux, si entrelacés qu'il semblait même que l'écriture égéenne se moquait de lui. Bammon déchiffra l'annonce à voix haute.
— Si le temps le permet, vingt paires de monomaques, fournies par Ostorios Maximilian, ainsi que des remplaçants au cas où certains d'entre eux seraient tués trop rapidement, se battront les premier, deuxième et troisième jour du printemps. Le célèbre Oldric combattra. Gloire à Oldric ! Les combats seront suivis d'une magnifique chasse aux bêtes sauvages. Gloire à Ostorios !
— Qui est Ostorios ? demanda l'Estanien.
— Un jeune ambitieux qui se présente comme candidat au Grand Conseil, expliqua son compagnon. Issu d'une famille de marchands, son grand-père a brièvement gouverné les Îles du Printemps. Kratheus le soutient, car il vient de la petite noblesse, proche du peuple. Cependant, Ostorios doit encore obtenir l'approbation de ce même peuple. Organiser des jeux l'aidera certainement dans cette démarche.
— Est-il un bon dirigeant ?
— Personne ne s'en soucie tant qu'il finance les jeux et renfloue les coffres de l'armée. L'Empereur a repris le quadrillage des terres nouvellement conquises, notamment à Shulam, dans le Sud. Nourrir autant d'hommes déployés coûte une fortune.
Ils arrivèrent au bout d'une rue, où une auberge était éclairée par des lanternes et remplie d'un joyeux tumulte. L'endroit était bondé, et une foule encore plus grande exigeait d'entrer.
Bammon fit une pause et évalua la situation.
— Il semble que notre ami Pugnax ait mentionné notre arrivée, observa-t-il gravement. Essayons de passer par l'arrière.
D'un pas vif, ils contournèrent la foule et émergèrent sur une autre rue étroite derrière l'auberge. Hommes et femmes y faisaient la queue tout autant qu'à l'avant. Lorsqu'une citadine aperçut les gardes par-dessus son épaule, elle se tourna vers eux. Ses yeux s'écarquillèrent comme des œufs durs, et elle tira sur la manche de l'homme à côté d'elle.
— L'Ours ! L'Ours ! jappa-t-elle, et son cri déclencha une cacophonie digne d'un début de bataille.
— Partons d'ici, ordonna Bammon. Maintenant !
Incrédule, Oldric ne bougea pas tout de suite. Les gardes se positionnèrent pour bloquer le passage, mais deux d'entre eux furent submergés par la vague déferlante. Une folle se précipita vers la vedette, enroulant ses jambes autour de son torse. Ses doigts s'enfoncèrent dans la crinière blonde, et elle commença à couvrir le visage de son idole de nombreux baisers. D'autres personnes la rejoignirent, déchirant la nuit par leur stridence. La panique engloutit le champion. Il se mit à repousser ses assaillants, se battant pour se libérer. Sa cape se déchiqueta en lambeaux, des mains semblaient vouloir arracher ses membres. Irrité, Oldric se ficha de qui il frappait ou avec quelle force.
Au bout d'interminables secondes, Bammon hurla quelque chose, attrapa une femme par les cheveux avant de la jeter en arrière. Oldric en profita pour s'échapper, immédiatement suivi par son instructeur.
Les deux hommes coururent aussi vite qu'ils le purent. Le vacarme les talonnait, ce qui les exhorta à accélérer le rythme. Ils dévalèrent une ruelle sombre, évitèrent de justesse des tonneaux abandonnés sur leur chemin, esquivèrent les caisses d'un marchand ambulant.
L'instructeur guida son apprenti à travers un dédale de venelles jusqu'à ce qu'ils atteignent enfin une allée cachée derrière un mur de briques. Sans hésitation, ils s'y engouffrèrent, reprenant leur souffle dans l'obscurité. Les bruits de la rue s'estompèrent peu à peu.
— Personne ne nous suit, assura le Xher.
Oldric lui darda un regard noir. Courbé, il posa sa main sur sa poitrine, hors d'haleine.
— Ils m'ont arraché les cheveux !
— Quelle tragédie, ironisa l'autre. Plus vite nous atteindrons l'auberge, mieux ce sera.
VOUS LISEZ
Une Voix dans le vent
RomanceC'est l'histoire d'Amarys, surnommée Rys, une jeune chrétienne du royaume de Shulam devenue esclave de l'Empire d'Égée. Après avoir perdu sa famille, elle se retrouve servante de la princesse Julia Valerian, nièce de l'Empereur. Une relation complex...