83. Capitulation

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Kallian.







L'ardeur du soleil avait transformé l'herbe verte en un tapis sec et cassant, craquant sous chaque pas. Les teintes vives des feuilles des arbres s'effaçaient pour devenir ternes. Même les fleurs, autrefois éclatantes de couleur et de parfum, flétrissaient sous la chaleur oppressante, leurs pétales se ratatinant en tombant au sol.

Armée d'un arrosoir, Bérène abreuvait les bourgeons de son jardin. Bithia, qui la secondait, ne manqua pas de se cambrer sur le banc de marbre et d'adresser un sourire des plus explicites dès qu'elle aperçut le jeune prince.

— Ma sœur, dit Kallian en embrassant Bérène sur la joue. J'ai appris ce qui est arrivé à Ostorios. Je suis venu dès que j'ai pu.

Il loucha brièvement sur Bithia qui papillonna des cils, avant que sa maîtresse ne la congédie.

— Le malheur semble s'acharner sur notre pauvre colombe, se lamenta Bérène. D'abord Nikanor, ensuite son enfant, et à présent son jeune époux.

Kallian se massa la nuque. Il repensa à Amarys sous le prunier, ses vêtements tachés de boue et du sang du bébé. Sa belle-sœur se mit à marcher le long du sentier.

— Étrange, dit-elle, mon affliction me paraît légère. Je n'arrive pas à ressentir de la peine.

La princesse s'arrêta à côté d'un parterre d'œillets jaunes, se pencha, caressa négligemment les pétales.

— Rys m'a aidée à monter ce treillis. La petite et moi partageons un amour commun des fleurs.

Elle portait une simple robe de lin noire à la coupe épurée. Seule une fine ceinture dorée, où le métal brillait faiblement, venait rompre l'austérité de sa tenue.

La famille et le royaume souffraient déjà de la disparition de Damianos. Maintenant, voilà qu'Ostorios Maximilian succombait à une fièvre tenace qui l'avait dévasté en deux semaines. Le bonhomme semblait pourtant débordant de vitalité, avec sa mine arrogante et son énergie venimeuse qui vous donnait envie de lui administrer une bonne paire de claques. De toute manière, l'esbroufeur représentait le dernier des soucis de Kallian, trop obsédé par sa requête.

Bérène alla s'asseoir sur une banquette au bas des grillages. Son beau-frère s'assit à proximité.

— Ne renvoie pas Amarys auprès de Julia. S'il te plaît.

Intriguée, la princesse le dévisagea, essayant de déchiffrer son expression.

— Elle appartient à ta nièce.

Devait-il divulguer le fait que la Shulamite avait frôlé la mort chez les Maximilian ? S'il le faisait, sa belle-sœur pourrait changer d'avis, mais Julia ne lui pardonnerait jamais. Choisir entre nuire à sa nièce, ou garder Amarys près de lui, l'écartelait.

— Ta fille détient un bon nombre de domestiques. Envoie-lui Bithia à la place.

— J'y ai songé, admit Bérène. Hélas, ce n'est pas à moi de décider.

Elle pressa sa main sur la sienne.

— Parle à ton frère.

***

Ikarus rentra au palais en fin d'après-midi. Toutes les dispositions avaient été prises afin d'enterrer Ostorios Maximilian au sein de la nécropole située en dehors de la ville. La loi égéenne interdisait l'inhumation à l'intérieur de la Cité Éternelle, bien qu'un domaine privé regorgeait suffisamment d'espace. Ce privilège était réservé uniquement à la dynastie impériale.

Une Voix dans le ventOù les histoires vivent. Découvrez maintenant