73. Témoignage

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Rys.

Amarys fit face à l'assemblée.

— Excusez-moi si je bafouille. Cela fait si longtemps que je n'ai pas pu m'exprimer librement parmi des gens qui connaissent Dieu.

Sa gorge se serra, elle déglutit et pria le Très-haut de lui donner le courage.

— J'ai dix-sept ans et je ne suis pas nouvelle dans la foi. Mon père m'a parlé du Messie dès ma naissance. Il connaissait les Écritures et m'a enseigné tout ce dont il se souvenait, des premières lois à l'accomplissement des prophètes, des promesses de l'Éternel, du Sauveur. À neuf ans, papa m'a emmené à la rivière près de notre village et m'a baptisé.

— Louez le Seigneur, cria un fidèle.

Sinkristor s'assit lentement.

— Comment ton père a-t-il rencontré le seigneur ?

La croiraient-ils si elle leur disait toute la vérité ? Nouveau coup d'œil autour. Chaque visage rayonnait d'attente anxieuse. Impossible de se taire, donc, devant une assistance si avide de la moindre preuve de l'existence du ressuscité.

— Mon père était le seul fils survivant d'une veuve qui vivait aux abords de notre bourgade, à Addis-Alem. Enfant, il fut pris de fièvre et mourut. Un apôtre entendit sa mère pleurer et vint la réconforter. Il a touché papa, et papa a repris vie.

— Gloire à Dieu ! murmura un groupe.

Des chuchotements excités se répandirent. Au fond, un frère se leva avec enthousiasme. Son accent s'engluait des fortes inflexions du septentrion.

— Quesqu'y est nom, ton Fadr ?

— Hananiah, de la tribu des Bar-Jonah, répondit Rys.

— J'ai entendu parler de lui ! s'exclama Hicham. Il s'agit d'un scribe au Grand Temple !

— Il a d'abord travaillé au temple du village, précisa la Shulamite, après quoi le grand-prêtre l'a appelé à la capitale.

— L'homme qui m'a baptisé me l'a présenté, confirma l'importateur. J'étais impressionné par le nombre de langues qu'il maîtrisait !

— Où se trouve-t-il maintenant ? s'enquit Geta.

— Auprès du Seigneur.

Un silence respectueux s'installa. Amarys continua son récit.

— Nous l'avons tous accompagné à Tel-Sayaddin durant son service. Nous y vivions depuis bientôt quatre ans, lorsque la révolte des fanatiques a commencé. Ils ont réussi à influencer le roi de Shulam et à se rebeller contre le protectorat qu'Égée proposait en échange d'un impôt annuel. Ils se sont aussi acharnés sur les disciples du Messie, à leur interdire l'accès au temple. Beaucoup de nos amis ont quitté la ville. Papa n'a pas voulu partir. Puis les Égéens ont débarqué...

L'assemblée demeura ébranlée par ce triste monologue.

— Cette folie ne finira jamais, se lamenta Sinkristor.

— Et ta famille ? interrogea Eulalia. Qu'est-il arrivé à ta famille ?

Son corps se mit à trembler. Ses épaules s'affaissèrent, presque honteuse de se tenir là, seule survivante, celle qui méritait le moins de vivre.

— Je ne sais pas pourquoi le Seigneur m'a épargnée.

— Peut-être pour ce moment, petite sœur, la rassura Nissah.

Ardgal déclara solennellement :

— Que tes paroles servent d'encouragement en temps difficiles.

Ensuite, chacun énonça ses besoins. Il fallait soutenir la majorité, que ce soit par des actions concrètes, financières, ou par des prières ferventes. Des requêtes furent formulées, allant des maladies physiques aux difficultés émotionnelles et spirituelles. Les noms de frères et sœurs emprisonnés ou menacés suscitèrent en grande partie l'attention.

Sinkristor parcourut les lettres des différentes communautés à travers l'empire. Au nord-est, la communauté annonçait que le missionnaire Wulfric avait été attaqué par des brigands estaniens et avait péri noyé dans une tourbe. Sur les îles à l'ouest, des maîtres venaient d'emprisonner une certaine Lara, car elle refusait de continuer à servir en tant que prostituée sacrée au sanctuaire de Calanthe. À Shulam au sud, les croyants exposaient un rapport inquiétant. La pression des Fanatiques s'accroissait depuis que Kastor autorisait les chrétiens à proclamer le Sauveur à l'intérieur du Temple. Le grand-prêtre lui-même s'en remettait à Sa Majesté et exigeait qu'on les déclare félons, les accusait à tort d'être à l'origine de la première rébellion. Les prières devaient s'intensifier.

— Quelqu'un, a-t-il une autre demande ? reprit l'ancien.

Amarys, les joues rougies par l'embarras, acquiesça timidement, et quitta son banc.

— J'aimerais solliciter votre aide p...

Ses mots étaient hésitants au début, cependant, à mesure que son esprit démontrait la nécessité de la chose, sa voix se fit plus claire et assurée.

— Veuillez prier pour mes maîtres, Son Altesse Ikarus Valérian, sa femme Bérène et son cadet, Kalliandros. Ils se perdent au milieu d'une contrée aride. Mais surtout, je vous supplie de prier pour ma princesse, Juliatheia. Elle est sur le chemin de la perdition.


 Elle est sur le chemin de la perdition

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