66. Parmi les anges

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Rys.




Shiva Liviclès arriva tôt le lendemain matin aux côtés d'une petite femme vêtue comme un allopathe, en robe grise, toutefois frangée de blanc. Un esclave les accompagnait, portant un sinistre coffret sculpté.

Après les avoir conduits dans les appartements nuptiaux, Rys se tint seule au milieu du couloir adjacent, sous un chandelier éteint. Écouter la conversation et se tenir prête si sa maîtresse la sollicitait serait ainsi plus aisé.

— N'aie pas peur, Julia, rasséréna la Liviclès. Asellina est expérimentée et maîtrise son domaine. Cette opération a déjà été réalisée à maintes reprises.

Des pas résonnèrent sur les dalles de marbre.

—Ses pairs approuvent les études qu'elle a publiées pour la communauté médicale. Tu ne risques absolument rien.

Fatim activa le brasero afin de réchauffer la pièce. Rys lorgna à l'intérieur de la chambre, alors que le serviteur posait son boîtier sur le sol, l'ouvrait, puis en sortait une amphore. Versant son contenu dans une coupe, la praticienne y ajouta du vin qu'elle tendit à sa patiente.

—Buvez.

Asellina récupéra ensuite le récipient.

—Déshabillez-vous et allongez-vous.

La panique déforma les traits de la princesse, mais Shiva la rassura et l'aida à retirer ses vêtements.

—Tout ira bien. Fais-moi confiance.

L'allopathe examina scrupuleusement Julia, inséra quelque chose entre ses jambes, puis se nettoya les mains dans la cuvette d'eau tenue par son serf.

—Son Altesse est plus avancée que vous l'avez supposé, dit-elle à l'adresse de dame Liviclès.

—Elle-même ignorait l'exacte durée, expliqua Shiva.

La face anguleuse se plaça au-dessus de la princesse. Elle lui posa sa main sur le front. Un sourire tenta de s'étirer sur une bouche dépourvue de lèvres, mais une grimace rêche sortit à la place.

—Vous allez bientôt ressentir des crampes, très chère. L'inconfort durera jusqu'à ce que votre corps expulse la masse. Quelques heures, rien de plus.

La praticienne recula, jeta un bref coup d'œil à Shiva.

—Si vous le permettez, ma dame.

Par la suite, les deux femmes chuchotèrent de telle sorte qu'Amarys ne put les entendre.

Un long moment s'écoula avant qu'Asellina ne quitte la villa avec des perles roses d'Ipathe qui débordaient d'une pochette en cuir. Intriguée, la Shulamite se résolut néanmoins à retourner à ses travaux d'aiguille. Elle se dirigea donc vers les cuisines afin de solliciter la supervision de Nanna. Seulement, l'Estanienne s'occupait à dépiauter de la volaille.

Sur les marches de la salle à manger, Rys s'assit en tailleur et essaya d'achever son travail toute seule.

Ses doigts se mirent à manœuvrer l'aiguille et le fil à travers le tissu. Sa concentration se déversa dans la conception. La pointe dansait sans effort, les motifs prenaient vie, de fil en points puis image. Le monde autour s'estompa en arrière-plan. Le tintement des couverts et les murmures des conversations provenant des cuisines devinrent des échos lointains. Ce sanctuaire de créativité et d'expression de soi brisa l'emprise du temps, et alors les heures devinrent des minutes.

Là-haut, le ciel se transformait, troquant sa teinte bleue éclatante pour une couverture de nuages sombres. L'atmosphère se chargea d'humidité et une légère brise secoua les arbres, symptômes d'une pluie imminente.

Une Voix dans le ventOù les histoires vivent. Découvrez maintenant