82. Entre désir et obéissance

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Kallian.




Kallian n'avait jamais frappé une femme, quelles que soient les circonstances, et le fait qu'il ait frappé Amarys lui tordait le cœur. Néanmoins, il n'hésiterait pas à recommencer si cela l'amenait à écouter et à considérer ses mises en garde. La gamine démontrait une telle insolence lorsqu'il s'agissait de défendre son dieu absurde !

Sa paume le brûlait, mais ce n'était rien comparé à la brûlure de sa conscience. La jeune fille n'avait fait que servir chaque membre de la famille avec dévouement. Les marques de fouet lui revinrent en mémoire, mêlées à la discussion au palais de Nikanor, lorsqu'elle essayait de le convaincre d'épargner les serfs, par crainte de la rétribution de son Seigneur.

La foi en ce dieu était la cause de toute cette pagaille.

La foi en ce dieu allait la faire tuer.

Il fallait qu'il lui fasse comprendre.

Agité et insomniaque, Kallian sauta du lit. Il se mit à arpenter les quartiers des domestiques, sombres et calmes au milieu de la nuit. D'un coin provenait le bruit d'un ronflement. Au sein du compartiment suivant, deux esclaves se blottissaient l'une contre l'autre afin de se réchauffer. Le prince avait attribué une cabine personelle à Amarys.  Qu'il l'ait isolée compte tenu de son état, ou en raison d'un motif inavouable, Son Altesse ne souhaitait pas s'étendre là-dessus. Il guetta à travers la porte grillagée et la vit allongée, recroquevillée sous les couvertures. Des sanglots étouffés s'échappaient des draps. Il tourna lentement le loquet et entra.

— Amarys, appela-t-il.

Immédiatement, elle se redressa en s'essuyant la joue. La marque rose du soufflet persistait sur sa peau foncée. Un coup en plein ventre eut été préférable à la vue de ce faciès morne qui fixait désespérément le sol.

— As-tu pensé à prendre tes infusions de belladone ce soir ? demanda-t-il, conscient de la réponse, à la recherche désespérée d'une parole sensée.

— Oui, Votre Altesse.

L'esprit de Kallian bouillonna de réflexions aléatoires. Que ne pouvait-il revenir en arrière ! Se retenir au bon moment ! Pourquoi perdait-il autant le contrôle en sa présence ?

Il s'assit sur le matelas de plumes.

— Approche, s'il te plaît.

En dépit de sa peur évidente, l'obéissance surplomba. Elle se posta à l'angle du lit, le dos raide, les prunelles à présent collées à l'entrée.

— Amarys, commença-t-il, loin de moi l'idée de te heurter. Je ne cherche qu'à te protéger.

D'un mouvement prudent, il réduit la distance entre eux, effleura la pommette agressée, souhaitant pouvoir effacer la preuve de sa sottise. Elle daigna se tourner. À la lumière orangée du candélabre extérieur, ses pupilles pétillaient telles des pièces de cuivre.

Kallian s'avança encore, s'inclina, et l'embrassa.

En entendant ses halètements, le cœur du prince battit plus vite. Ses doigts se noyèrent dans la mer de boucles ébène, ses lèvres redoublèrent d'ardeur. Les paumes de Rys pressaient contre sa poitrine. Il l'attira, l'enveloppa au creux de ses bras, inclinant sa bouche sur la sienne. Durant de brèves secondes vertigineuses, Rys se fondit en lui, céda, ses mains s'accrochant au lieu de lutter. Puis, soudain, la réalité la rattrapa et la panique l'envahit.D'une brusque saccade, la Shulamite se dégagea, se leva, s'éloigna, les yeux écarquillés et le souffle coupé.

— Je te veux, déclara Kallian en se levant. Je te veux depuis si longtemps.

Amarys secoua la tête et recula d'un pas, aggravant le fossé.

Une Voix dans le ventOù les histoires vivent. Découvrez maintenant