15. Obéïr ou mourir

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Oldric.

Les murs étaient serrés autour de lui, le plafond de pierre si bas qu’il ne pouvait pas s’asseoir, la chambre si minuscule qu’il ne pouvait pas étendre ses jambes. Il poussa de toutes ses forces contre la porte, mais celle-ci ne bougea pas. Il jura et entendit des rires tandis que des chaussures cloutées résonnaient doucement.

— Je parie six oboles de cuivre qu’un seul jour suffira pour qu’il nous supplie de le libérer.

Une autre porte se ferma, puis ce fut le silence.

La panique grimpa en flèche. Oldric ferma les yeux, luttant pour reprendre le contrôle alors que les murs de la petite pièce semblaient se refermer sur lui. Serrant les dents, il n’émit pas un bruit, sachant que s’il le faisait, il céderait à la terreur qui l’envahissait. Son cœur battait à tout rompre, il pouvait à peine respirer. Il cogna le bois de toute sa vigueur, ignorant la douleur lancinante de la marque, et continua de donner des coups de pied jusqu’à ce que ses talons soient meurtris.

Il suffit d'un jour.

Ces mots résonnèrent dans son esprit encore et encore, jusqu’à ce que la rage l’emporte sur la peur.

Les heures passèrent dans l’obscurité totale.

Recroquevillé sur le côté, Oldric essaya de s’imaginer dans les forêts de son pays natal. Seule revint l'image de son père, les mains pleines de ses entrailles. Ses muscles se contractèrent et il gémit de douleur, incapable de s’étirer suffisamment pour les soulager. Les poux rampaient sur lui et mordaient sa chair. Il frappa à nouveau la porte et maudit Égée dans son souffle.

—Il va coopérer maintenant, déclara une voix.

La porte s’ouvrit. Alors que le garde se penchait, Oldric lui donna un coup de pied au visage.

Il essaya de maintenir la porte ouverte en poussant sur sa jambe, mais le deuxième garde le força à la fermer et la verrouilla à nouveau.

— Deux jours ne semblent pas avoir amélioré son état d’esprit, déclara-t-il.

—Laisse-le pourrir là-dedans ! Tu m’entends ? Tu vas pourrir !

Oldric asséna un coup désespéré dans la porte.

— Ingvar ! Ingvar ! Ingvar !

Vociférant le nom de son dieu jusqu’à ce que sa voix devienne rauque, le barbare s’allongea en boule et, l'estomac noué, il se perdit dans son subconscient.

Il fit un étrange rêve dans lequel la lumière jaillit d’une ouverture, et Fadr et Yorgen vinrent le redresser, portant une gourde à ses lèvres. Il avala le liquide qui en coulait, puis se vit soudain suspendu à des paires d’épaules avant d’être traîné jusqu’au bord d’une piscine en pierre.

Une grosse éponge imbibée d’eau chaude le percuta en pleine tempe, le ramenant à la réalité.

—Tu pues ! Dépêche-toi de te laver.

Oldric prit un moment pour réaliser que l’on s’adressait à lui dans un Estanien impeccable. Il leva la tête et vit le garde qui avait traduit les propos du maître il y a quelques heures.

Ou plutôt quelques jours ? Combien, exactement ?

— Comment se fait-il qu’un homme des Montagnes soit un serviteur d’Égée ? murmura-t-il, incrédule.

La question fut répondue par un haussement d'épaules.

— Je t’ai entendu crier hier soir. Un autre jour dans le Trou, et tu perdras la tête et tout l’honneur qui te reste, fais-moi confiance, Brudr !

Oldric serra les poings et voulu se lever, mais se ravisa lorsqu’il aperçut deux silhouettes armées à proximité.

— Mon nom est Zäben, du clan des rivières. Mais ici, tu m’appelleras Sabin comme en avait décidé mon maître. J’ai été fait prisonnier comme toi, je suis devenu esclave comme toi, mais j’en ai tiré le meilleur parti.

Sabin brandit un petit morceau rectangulaire d’ivoire avec une écriture dessus qui pendait à une chaîne autour de son cou.

—Il m’a fallu sept ans de combat dans l’arène, mais j’ai gagné ma liberté.

L’ivoire retomba sur sa poitrine.

— Tu pourrais faire la même chose, peut-être même en moins de temps, si tu réfléchis bien.

Oldric jeta un coup d’œil ostentatoire sur les murs en blocs de pierre et vers les reîtres au sommet des escaliers.

—Je ne vois aucune liberté ici.

Zäben prit une serviette sur une étagère et la plaqua contre la poitrine d’Oldric.

—Attention, esclave. Tu apprendras, ou tu mourras. À toi de choisir.

Il pointa son doigt vers l’étagère.

—Prends une tunique, une ceinture, une saie, et mets-les.

L’estanien fixa l’escalier, l’esprit tourmenté. Il remarqua qu’un autre garde avait rejoint les deux autres.

—Je n’essaierais rien si j’étais toi, avertit son compatriote, la main sur la poignée de son glaive.

Serrant les mâchoires, Oldric enfila les vêtements et grimpa les marches.

Une Voix dans le ventOù les histoires vivent. Découvrez maintenant