11. Juliatheia Valerian

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Kallian.




Le jardin semblait un peu plus lumineux sous la fine pluie. C’était comme si le don des dieux avait lavé le monde pour révéler ce qui avait toujours été là, la nature dans son humble splendeur. Les renoncules dorées, les lantaniers, les lauriers-roses, les allées de cyprès teintées de couleurs vives, tous étanchaient leur soif. Les dalles de pierres brillaient, faisant joyeusement écho au bruit de la pluie qui tombait, mais aussi aux pas des deux princesses.


La princesse Bérène, ajustant élégamment sa longue tunique de lin bleu, leva un regard interrogateur lorsque Kallian descendit les marches pour la saluer.



— Tout va bien, mon prince ? demanda-t-elle alors qu’il se penchait pour lui embrasser la joue.



Douze années d’écart et un mariage avec un prince de sang n’avaient jamais altéré sa courtoisie envers Kallian.



— N’est-ce pas toujours le cas, ma sœur ?



— Cela fait longtemps que tu discutes avec Père, bougonna une voix fine derrière.


— Ce ne sont pas tes affaires, répondit-il en contournant Bérène et en pinçant légèrement la joue de la jeune fille en retrait.



À quinze ans, la fille d’Ikarus fleurissait en beauté. Elle ne possédait pas les cheveux noir de jais typique de la dynastie Valerian, mais avait plutôt hérité du brun-roux à la texture fine de sa mère. Avec ses pommettes hautes, ses prunelles d’un bleu profond, sa silhouette replète et ses courbes naissantes, Juliatheia Valerian devenait maintenant l’objet de moult propositions de mariage.


La princesse Bérène prit congé et monta les marches, abandonnant Kallian à la merci de sa nièce. Une fois l’épouse du prince disparue, sa fille tapa du pied avec ses petites sandales.



— Je vous méprise quand vous me traitez avec condescendance, mon oncle !



Il l’ignora et tenta d’avancer, elle s’accrocha rapidement à son bras.


— Je t’en prie, Kallian ! Tu me l’as promis.


— Je n’ai rien fait de tel, dit-il, amusé.


— Eh bien, tu l’as en quelque sorte promis. C’est injuste. Mère m’a déjà retiré Glaphyra et l’a revendue. Elle affirme que ce n’était qu’une dévergondée qui avait une mauvaise influence sur moi, mais pas du tout ! Les autres esclaves sont tellement ennuyants ! Et à présent, toi,  tu refuses de m’emmener aux jeux. Je mourrai si je n’y vais pas.



— Tu sais que ta mère aura ma tête si je t’y emmène.


— Elle te pardonnerait tout et tu le sais. Elle n’a pas besoin de le savoir. Tu pourrais dire que tu es sorti faire un tour dans ton nouveau char. Prends-moi juste une heure ou deux. Je t’en prie. Je me sens tellement humiliée, toutes mes cousines y sont déjà allées.


— Je vais y réfléchir.



Kallian savait qu’il mettait sa nièce mal à l’aise. Elle avait une étrange tendance à rougir et à rechercher la proximité à chaque instant de leurs entretiens. Elle recula un peu en penchant la tête.




— Glaphyra m’a dit que tu avais pris Eos. Elle a trois ans de plus que moi. Et elle est déjà promise au fils de l’Archonte, ajouta-t-elle d’un ton accusateur.


— Eos est Eos.


— C’est une trahison de ne pas assister aux jeux !


Kallian posa la main sur sa bouche et la fit taire.


— Julia, si tu t’emportes encore une fois comme ça…


La vivacité de son regard le fit céder et il poussa un soupir.


— Même si je le souhaite, ce n’est pas le meilleur moment pour t’emmener quelque part.


— Parce que tu as déçu Père par ton manque de noble ambition ? se moqua-t-elle.


— Je ne vois rien de noble dans la politique. Ni dans le mariage.


Les yeux de Julia s’écarquillèrent.


— Père veut que tu te maries ? Avec qui ?


— Il n’a fait que des allusions et n’a rien suggéré, mentit le prince.


Julia demeura coite un instant, l’air pensive.


— Dame Dione, je parie. Père parle sans arrêt de la fille du gouverneur de Vatheia…


Singeant une voix grave qui se voulait être celle de son père, la jeune fille grimaça :


— Oh, combien Dione de Philippos est intelligente, si méticuleuse ! Elle aide Le Gouverneur à faire prospérer le port et la province entière ! Oh Dame Dione, si aimée du peuple ! Glaphyra m’a révélé que c’est une prude toujours vierge à dix-neuf ans. Vive Dione, la Jouvencelle !


— Je pense que Bérène a été trop généreuse. Glaphyra n’aurait pas dû être simplement revendue.


Il la retourna et lui asséna une gifle ferme sur le derrière. La princesse poussa un cri de douleur et se dégagea, ses yeux bleu sombre brillants de fureur.



— Si j’accepte de te prendre…

Julia se réjouit instantanément de sa capitulation, son joli visage s’épanouissant en un large sourire.


— J’ai dit si, petite sorcière. Si j’accepte, ce ne sera pas parce que tu menaces de répéter des rumeurs sur la future bru de l’Archonte !



La nièce fit une jolie moue.


— Tu sais que je ne le ferais pas vraiment.


— Ta mère ne te croirait pas si tu le faisais, dit-il, sachant qu’elle n’avait jamais cru le pire de lui.



— Cela fait si longtemps que je veux aller aux jeux.



— Tu t’évanouiras probablement à la première vue du sang.



— Je te promets que je ne te ferai pas honte. Je ne broncherai même pas, quelle que soit la quantité de sang. Je le jure. Quand partons-nous ? Demain ?



— Pas si vite. Je t’emmènerai la prochaine fois que Procos les accueillera…



— Oh, mon oncle, je t’aime. Je t’aime tellement, dit-elle en le serrant dans ses bras.



— Oui, je sais.


Il lui sourit affectueusement.



—Tant que tu fais ce que tu veux…





















Une Voix dans le ventOù les histoires vivent. Découvrez maintenant