74. Dans les ténèbres

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Rys.





Amarys regagna la résidence, l'esprit léger.

La communauté l'avait recouverte de bienveillance, ramenée sur le chemin de la paix intérieure. Les moments de prière lui avaient permis de se reconnecter à ses valeurs profondes. Dieu avait renouvelé ses forces, l'équipant d'une énergie si positive que la Shulamite se sentait prête à affronter n'importe quel désastre.

La nuit s'épaississait sur Aetherna et une pleine lune se levait sur les remparts orientaux de la ville. Son pâle éclat projetait sur le sol l'ombre des hauts merlons triangulaires, une ligne de crocs noirs et tranchants. L'air était froid, humide et rempli d'odeurs à demi oubliées.

Arrivée au hall d'entrée, Rys fut accueillie par les cris stridents de Julia.

Au pas de course, la servante gravit les marches, traversa le péristyle, puis cavala le long corridor qui conduisait aux appartements de sa maîtresse. Un bref regard autour lui fit voir les esclaves et les licteurs qui déambulaient çà et là, l'air morose. Or personne ne semblait se préoccuper de ce qui se passait à l'étage.

À l'extérieur de la chambre seigneuriale, Fatim pleurait hystériquement, accroupie sur le seuil, les doigts compressant ses tempes.

—Il va la battre à mort ! brailla-t-elle. Qu'allons-nous faire ? Bontés divines, qu'allons-nous faire ?

—Que se passe-t-il ? interrogea Rys. Où se trouve l'intendant ? Et Nanna ?

Avant que Fatim ne puisse répondre, un autre cri poussa Amarys à agir sans penser aux conséquences. Elle s'empara de la poignée de la porte, en même temps que sa congénère, cependant pas pour les mêmes raisons. Là où une souhaitait l'ouvrir, la seconde s'y opposait.

—N'y va pas ! Il va te tuer ! Il a promis qu'il nous tuerait tous !

Ignorant l'avertissement, Rys l'écarta d'une poussée et franchit les appartements en trombe.

Julia s'étalait par terre, essayant de s'éloigner d'Ostorios, qui la fouettait à l'aide d'une ceinture de cuir cloutée. La princesse hurlait tandis que le fouet déchiquetait sa robe rouge et lui lacerait la peau.

—Arrêtez, mon seigneur ! supplia la serve.

En vain.

La fureur anéantissait l'ouïe de l'époux.

Son Altesse se recroquevilla, se couvrant la tête de ses bras quand les clous s'abattirent sur les coudes en un crépitement répugnant d'os et de chair.

Amarys tenta de le bloquer, il la repoussa. Elle revint à la charge, se posta entre le fauve et sa proie, le giflant, encore et encore, ses mains n'étant qu'un tourbillon, un flou noir, en dépit du fait que le maître la surplombait d'au moins un pied supplémentaire. La figure de la bête chauffait et piquait comme de l'eau bouillante.

—Espèce de stupide esclave !

Ostorios la saisit sous les aisselles, la souleva du sol, la balança. Rys s'envola en arrière. Ses orteils atterrirent en premier, effleurant le sol marbré, ensuite les talons dans un bruit sourd. Se déplaçant trop vite pour s'arrêter, ses fesses frappèrent le sol. Elle essaya de se rattraper avec ses mains qui cuisaient, mais elles s'enflammèrent davantage. Ses paumes étaient écorchées.

—Sors de là ! beugla le mari en furie.

Sa ceinture s'écrasa sur l'oreille de la serve, suivie d'une gifle colossale sur la mâchoire, avant de se retourner vers sa femme.

—Je vais te tuer, sale putain ! Par tous les dieux, je jure que je vais te tuer !

Maximilian s'approcha du corps allongé de son épouse et lui donna un violent coup de pied au creux des côtes. La victime gémit et rampa loin de lui. Il la contourna, lui donna un nouveau coup de pied à l'entrejambe. Julia ne put émettre aucun son ; pliée en deux, des larmes ruisselèrent sur ses joues.

—J'espère que tu as apprécié ta sauterie en compagnie d'Aniketos, éructa le démon, car c'est la dernière fois que quelqu'un posera les yeux sur toi ! Je ne te laisserai plus jamais m'humilier de la sorte ! Sale Catin !

Un claquement vint percuter le visage de la princesse. Son nez fit jaillir du sang sur le marbre.

—Sale Catin !

Rys roula sur le ventre, cracha une bolée de salive pourpre. Malgré la douleur qui rugissait, ses jambes parvinrent à se mettre debout. Sa vision était brouillée, ses tympans assourdis par les bourdons, et une aura maléfique l'environnait. L'agonie de sa maîtresse déchirait l'atmosphère. D'un pas chancelant, la serve s'élança sur le monstre, le tractant avec toute la force imaginable. Elle l'attrapa par la tunique, la tira si violemment que la manche s'arracha de l'épaule droite. Il resta torse-nu et stupéfait, ce qui octroya à Rys la possibilité de recouvrir la princesse et de se transformer en bouclier humain. 

Aussitôt, la morsure du fouet répliqua, brûlante. Maximilian se déchaîna contre l'esclave, faisant pleuvoir salve après salve. Le poids de sa rage menaçait d'écraser son esprit.

Soudain, le sol parut tourbillonner, son échine sembla se pulvériser, l'univers se réduisit à un flot de tourments et de souffrances.

La dernière chose que Rys entendit fut son prénom dans la bouche de Julia, mêlé au fracas des statues renversées et des miroirs brisés.

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