63. L'esbroufeur

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Kallian.



Au milieu de l'après-midi, Julia se traîna hors du lit afin d'accueillir son oncle.

— Kallian ! s'exclama-t-elle, en l'enlaçant. Oh, je suis tellement contente de te voir !

Il fut surpris par son apparence négligée. Ses cheveux roux tombaient en boucles indisciplinées jusqu'à sa taille, son teint était pâle, ses paupières creuses. De petites marques rouges circulaires apparaissaient sur son cou et ses épaules, un signe troublant de passion.

— Imagine ma stupéfaction lorsqu'à mon arrivée, j'ai été informé de ton mariage.

— Désolée, je ne pouvais pas t'attendre, sourit Julia. Ton voyage prenait trop de temps, et tu n'as donné aucune indication de ta date de retour. Tu vas adorer Ostorios, vous êtes si semblables !

Kallian eut du mal à cacher une grimace d'exaspération.

— Semblables ? Je ne me souviens pas d'avoir déjà eu les mains baladeuses lors d'une soirée organisée par un serpent.

— Encore cette histoire ! C'est grâce à Shiva que nous nous sommes rencontrés. Sans son aide, je serais toujours une pauvre veuve confinée entre quatre murs !

Elle s'appuya contre son torse en vue de mieux se fondre au creux de l'étreinte.

— Tu ne l'approuves guère, mais tant pis. Le choix de mes amis ne nécessite ni la permission de père, ni la tienne.

L'influence de l'aspic se reflétait dans les paroles de sa nouvelle admiratrice.

— Le but de ma visite n'est pas de me disputer avec toi, plutôt de m'assurer que tu vas bien.

Julia releva son menton.

— Je suis plus heureuse à présent que je ne l'aie jamais été de toute ma vie !

— Tu m'en vois ravi. Félicitations pour t'être échappée de nos griffes.

Kallian étudia le visage de sa nièce, cherchant l'éclat d'une jeune mariée ; malheureusement, il ne constata qu'épuisement et beuveries.

Il lui effleura la joue.

— Es-tu sûre que ça va ?

— Absolument ! Ostorios te ressemble à un point... En son absence, je ne peux m'empêcher de penser à lui, à ce qu'il fait, et quand il reviendra.

Elle claqua des doigts pour appeler un esclave.

— Fatim ! Apporte-nous du vin et quelque chose à manger. Dépêche-toi !

La dame Maximilian conduisit son invité à la terrasse inférieure, où ils pouvaient admirer Aetherna jour et nuit. Sous les citronniers et les fleurs diurnes, se percevaient le doux gazouillis des oiseaux, le crissement timide des grillons, ou encore le bruissement des feuilles dans la brise. Ils s'installèrent autour d'une table en granit poli, se prélassant à l'ombre d'un chêne.

Julia évoqua les funérailles d'Éos auxquelles ils avaient assisté.

— J'y ai croisé tante Pandore, qui souhaitait s'enquérir de ta personne. Un gladiateur l'accompagnait, couvert de cicatrices et vraiment moche... Les questions de l'impératrice ne s'orientaient qu... Qu'est-ce que c'est ?

La femme rondouillarde au teint olivâtre qui venait de déposer une soucoupe de brochets grillés, s'arrêta brusquement de servir les boissons lorsque les traits de sa maîtresse se figèrent en une expression furibonde.

— Je t'ai demandé d'apporter du vin, pas de l'hydromel !

Du revers de la main, la princesse envoya valser carafe et coupes qui s'écrasèrent en un grand fracas sur le sol, abreuvant l'herbe du liquide ambré.

Une Voix dans le ventOù les histoires vivent. Découvrez maintenant