81. Ne pas souffler sur les braises

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Rys.



Le plus insupportable, c'était de ne pas se gratter le dos.

Afin de s'accommoder, elle se cambrait en une position bizarre où ses coudes ne se détachaient pas de sa poitrine et où ses épaules restaient voûtées à l'exemple d'un bossu. Mais le moindre mouvement vous provoquait de ces démangeaisons... Elle aurait volontiers troqué les baumes des allopathes impériaux contre un tesson d'argile pour se racler l'échine.

Sinkristor abordait le problème auquel ils étaient tous confrontés :

— Notre défi est de mener une vie juste au milieu d'un monde envahi par les ténèbres. En ces temps difficiles, suivons la volonté de Dieu en promouvant la bonté, en donnant comme le Seigneur a donné. Écoutons les cris des pauvres et des impuissants, ne nous lassons pas de faire le bien. Les épreuves font partie du voyage, mais nous connaissons la récompense qui attend là-haut.

Amarys abaissa la tête, serrant étroitement ses paupières à la recherche du réconfort dans la prière. Elle supplia l'Éternel de soulager ses blessures tant physiques que morales, de lui fournir le courage de partager la Bonne Nouvelle. Peut-être que le moment parfait pour saisir les opportunités qui lui avaient échappé à cause de la peur, se présentait. La tragédie qui frappait actuellement les Valérian serait l'occasion ultime de révéler l'histoire du Messie, sa mort et sa résurrection, et les promesses qu'il avait faites à ceux qui croyaient en lui.

Tout concourt au bien...

Le vieux légionnaire rappela les miracles opérés lorsqu'il n'y avait plus d'espoirs, la main toujours providentielle du Seigneur même dans le désert, la lenteur de Son courroux et de Son châtiment à cause d'un seul juste. En entendant le mot courroux, Amarys se battit contre les larmes.

Comment pouvait-on dissimuler la vérité à ceux qu'on prétendait aimer ? La serve priait inlassablement pour ses maîtres, mais la prière, était-elle l'unique solution ? Comment expliquer l'existence d'un Sauveur quand personne ne ressentait le besoin d'en avoir un ? Comment démontrer l'appartenance à Dieu, qui les avait créés, alors qu'ils croyaient en des idoles de pierre et non en un Créateur tout-puissant ? Comment la foi d'une piètre esclave pouvait influencer en quoi que ce soit les fastes d'une lignée royale ?

Oh, Dieu, Dieu, s'il te plaît, aide-les.

Amarys ne possédait même pas les mots justes pour exprimer ses besoins.

Malgré les protestations de son dos rayé de cicatrices, la Shulamite parvint à grimper à l'arrière de la carriole de Trophimos. Il était préférable de se déplacer en petits groupes à la tombée de la nuit, car depuis l'incendie, les brigands pullulaient dans la cité.

Les flammes avaient dévoré Aetherna six jours durant. L'embrasement avait commencé près du Grand Théâtron, et, poussé par le vent et les marchandises des étals environnants, s'était rapidement propagé à l'intérieur de l'arène. Par la suite, les collines avoisinantes se consumaient sans résistance. Les milliers d'habitants en fuite, ainsi que les routes étroites, avaient rendu l'intervention des légionnaires inefficace.

Des rumeurs circulaient, selon lesquelles des individus auraient délibérément déclenché la fournaise en utilisant des substances inflammables, et qu'ils auraient même prétendu obéir à des ordres. Nul ne savait s'il s'agissait de pillards, de simples bandits, ou d'une menace extérieure. Par conséquent, les suppositions allaient bon train. Pour ne rien améliorer, des prêtres vagabonds flanquaient les coins de rue et ne prophétisaient que peur et désespoir. Les arrestations se multipliaient, une Garde Vigile avait été mise en place, chargée de ratisser la ville à la recherche de tous les suspects potentiels. En d'autres termes, n'importe qui.

Une Voix dans le ventOù les histoires vivent. Découvrez maintenant